44 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. ami ou une personne haut placée de lui couper les cheveux. Coumbaros (compère), tel est le litre d’origine grecque donné à celui qui accomplit cette opération ; elle lui crée une situation exceptionnelle dans la famille de l’enfant. Qu’il soit musulman ou chrétien, il peut librement entrer dans le haremlik 1 si son filleul est musulman, et voir la mère qui ne se voile plus devant lui. Il est de la famille, plus même que le frère du mari2. Les catholiques, à l’époque où ils se trouvaient vis-à-vis des musulmans dans un étal d’abaissement et de soumission souvent plein de dangers pour eux, briguaient l’honneur de devenir coumbaros d’un enfant musulman, en profitant pour faire de riches présents et s’assurer ainsi la protection de leurs maîtres ; peu à peu cet usage s’est infiltré parmi eux par habitude et imitation et actuellement la coutume est devenue commune aux musulmans et aux chrétiens. Les hasards d’une tournée de chasse m’ayant amené dans le village musulman de Drivasto, je fus accueilli dans une maison de paysans avec cette affabilité qu’on est assuré de rencontrer partout en Albanie où tout ce qu’on possède est offert à l'hôte de passage. Le brave homme qui m’avait reçu si bien vint quelque temps après me trouver à Scutari, pour me dire que sa femme et lui seraient bien fiers si je consentais à couper les cheveux à leur petit garçon. Je fus heureux de leur faire ce plaisir. Au jour fixé, je vis arriver au Consulat le père portant un plat rempli de miel dans sa cire dorée; derrière lui le 1. Appartement réservé aux femmes chez les musulmans. 2. Un musulman albanais peut refuser à son frère de lui laisser voir sa femme; le coumbaros au contraire la voit môme en l’absence du mari.