LES MIRD1TES. 159 mies. Cet armistice momentané n’est jamais violé, mais le délai expiré il doit fuir et se garder. Le sentiment de la vengeance est surtout vivace chez les Mirdites, souvent ils y apportent une horrible cruauté. Un vieillard de soixante-cinq ans, originaire d’un village devant un sang à un autre village mirdite, était depuis de longues années employé à Scutari comme cuisinier ; ayant auparavant longtemps couru le monde, il avait probablement oublié cette querelle, quand il revint dans son pays pour épouser une femme de son clan ; il lui envoyait le produit de ses économies afin d’avoir quelques bestiaux quand ne pouvant plus travailler il devrait rentrer dans sa montagne. Un soir, un Mirdite se présenta dans la maison où il était en service, venant l’informer que son fils aîné était fort mal et désirait le voir. Le pauvre homme, avec l’autorisation de ses maîtres reçut ce montagnard, lui donna à manger et le garda la nuit pour lui parler de son fils. Le lendemain, à l’aube, il partait à pied affolé, pour retrouver son enfant ; il ne devait plus le revoir, on lui avait tendu un piège. A cinq heures de Scutari, il était assassiné *. Quand il s’agit de reprendre un sang, c’est-à-dire deven- 1. J’ai plus tard appris par le prêtre de la localité dans laquelle lemeur-treavait été commis, dans quelles conditions le malheureux vieillard avait été tué; il fut arrêté sur la route par quatre Mirdites qui lui dirent de fairesaprière,qu'ils allaientle tuer— Pourquoi,demanda-t-il?-—Ton village doit un sang au nôtre, c’est sur toi que nous le reprendrons. En vain il essaya de leur faire comprendre qu’ayant presque constamment vécu à l’étranger, il ne pouvait être responsable, ils refusèrent de le laisser partir et renouvelèrent leur ordre ; il comprit, se mit à genoux pour prier. 11 faisait le signe de la croix ayant fini, qu’ils le tuaient à coups de fusil et envoyaient le prêtre prévenir la veuve. C’était le quarante-deuxième assassinat commis dans cette montagne depuis un mois.