272 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. médailles1, hommes et femmes portent tous sur eux leur chapelet, font de longs trajets pour venir en pèlerinage dans les églises, aux jours de fête de certains saints2; un voyageur qui dans les montagnes ne ferait pas maigre les jours consacrés, serait mal vu par eux et peut-être inquiété. Il n’y a pas un seul juif dans le pays. La foi, surtout chez les montagnards, est farouche ; il suffit d’entrer dans la cathédrale pour s’en convaincre, les fidèles sont accroupis à terre, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, chacun égrène avec recueillement son chapelet, Au moment de l’élévation, les cinq ou six mille personnes qui remplissent leglise frappent par trois fois la terre de leur front et, se relevant , sé battent la poitrine prononçant à voix basse les mots « Pacha Zoté », « Seigneur » dont le murmure court dans cette foule comme un grondement douloureux et sinistre. Les montagnards restent en adoration, assis sur leurs talons, la paume des mains en l’air, le spectacle de cette extatique posture n’est pas sans grandeur, tant on la sent vraie. Certainement ils ne comprennent rien au drame sublime et touchant qui revit devant eux et en sortant de l’église où beaucoup sont entrés en armes, iis s’entre-tueront peut-être pour une cause ancienne et futile. On comprend sans peine, dans ces conditions, combien est toute-puissante l’influence du prêtre dans ces contrées, 1. Pendant le mois de mai,ii est d’usage de s’imposer des mortifications en l'honneur de la Vierge; beaucoup de femmes et même de dames albanaises sortent pieds nus pendant ce mois ou se privent des mets qui leur plaisent, de respirer le parfum des lleurs; de même, beaucoup d’hommes en ville à cette époque s’interdisent qui le café, qui le vin, qui le tabac. 2. Y compris les dimanches, les catholiques ont dans l’année à Scutari quatre-vingt-quatre jours de fêtes ; si on y ajoute celles des églises environnantes et de leurs patrons, on arrive à une moyenne d'au moins cent cinquante jours de chômage dans une année!