122 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALBANIE. Traversant pour la quatrième fois le lit de galets du Drin où les chevaux se rafraîchissent, l’ascension commence, passablement pénible ; à midi nous atteignons la cure. Don Domenico, curé de Mnéla, appartient au clergé albanais; il nous fait le plus charmant accueil. Cette affable hospitalité est du reste un des caractères distinctifs du peuple albanais; je l’ai rencontrée partout. L’hôte est sacré, c’est l’envoyé de Dieu; quelle que soit la pauvreté de la maison, on est lier de le recevoir, chez les musulmans comme chez les chrétiens. A son départon l’accompagne jusqu’à laporte, on le suit des yeux pour s’assurer qu’aucun danger ne le menace en sortant de la maison dans laquelle il a mangé. S’il est victime d’une attaque avant d’être entré dans une autre demeure, c’est la maison, c’est la famille qui l'avait reçu qui est offensée et considère le dommage qu’il a subi comme une insulte personnelle, que l'usage, un usage auquel aucun des membres n’oserait se dérober, l’oblige à venger sur les agresseurs ou leurs familles. Le repas est terminé et la nécessité d’atteindre San-Giorgio où nous devons passer la nuit, nous oblige à abréger notre kief avec un regret que comprendront seuls ceux qui ont voyagé en Orient. C’est un moment si agréable que celui qui suit un repas : en fumant on se console des fatigues et des mécomptes de la roule, en faisant provision d’anecdotes et d’informations. Don Domenico nous accompagnera à Osroch, il sera notre guide et aussi notre protecteur, pour pénétrer plus avant dans le pays ; c’est un des nombreux usages de cette contrée : qui veut la parcourir doit avoir un parrain qui garantit sa sécurité sur le territoire du clan auquel il appartient. Avant d’entrer sur un autre territoire, s’ilconçoit des doutes