DE SCUTAR1 A OROSCH. 121 que ses crues folles ravagent chaque printemps ; tamaris et véroniques y croissent misérablement, semblant se sentir à l'avance condamnés à une destruction prochaine. Peu à peu les montagnes deviennent plus distinctes, l’œil en relève mieux les détails, la solitude se fait plus profonde; à gauche, Miet, le dernier village de la plaine de la Zadrima. Deux heures de chevauchée au milieu de genévriers aux formes les plus fantastiques, atteignant parfois trois et quatre mètres de hauteur, et, pénétrant sur le territoire des Mirdites, nous nous engageons dans ce groupe de montagnes que nous devons pendant douze heures successivement escalader, contourner ou descendre pour arriver à Orosch. De temps à autre nous croisons quelques pauvres femmes à l’aspect misérable, se rendant en ville, une charge de bois ou de charbon sur le dos; elles font à plusieurs ce pénible, trajet ; rarement un homme les accompagne : dans toute la montagne, femme ou fille peut aller seule sans danger. Des jeunes filles gardent les troupeaux de chèvres en filant ; bien gracieuses parfois sous le capuchon de laine noire qui finit à la nuque, semblable à un bonnet phrygien, leurs cheveux blonds sont brûlés par le soleil, elles s’arrêtent pour regarder gravement passer cet inconnu étrange que je suis pour elles, coiffé d’un casque anglais et vêtu à la franque. Zeph, traduction albanaise de Joseph, notre guide, un Mirdite de Mnéla, nous annonce que nous approchons et nous désigne au sommet d’une haute colline la maison qui sert d’habitation au curé de son village, chez lequel nous devons faire notre première halte ; cette vue nous sort du demi-sommeil qui nous gagnait peu à peu, il est onze heures et le soleil de septembre est encore bien chaud en Albanie.