MOEURS ET COUTUMES DE SCUTAR1. 47 Revêtu du costume, chemise et large caleçon de soie blanche, semblables à ceux qu’il avait la nuit de ses noces1, son chapelet entre les mains, recouvert d’un des longs draps de gaze de soie blanche qui garnissaient le lit nuptial, le mort est à terre, surun matelas, au milieu de la chambre. Accroupies autour de lui sont les femmes avec sa veuve, qui reste subitement seule sur la route de la vie ou le chemin vers la mort ; dans une autre salle, les hommes, après avoir silencieusement serré la main aux parents fument quelques instants et se retirent ; dans ces pièces basses et généralement petites, aux étroites fenêtres grillagées, ce va-et-vient silencieux semble un errement d’ombres. Soudain de la chambre où est le corps un chant se fait entendre, mélopée composée de quelques notes mineures sur lesquelles une amie de la famille commence à pleurer l’époux disparu, l’improvisation se scande comme un sanglot. C’est la nièce du mort, sa mère était mourante quand on lui a annoncé la fin de cet oncle, qui leur était souvent venu en aide, car elles étaient bien pauvres. « Pour toi, dit-elle, j’ai abandonné ma mère chérie, sans l’aider à tenir le cierge qu’on avait placé dans sa main défaillante ». « Pourquoi nous as-tu quittés, ô mon cher oncle! » Chacune des phrases qui suit rappelle la vie, les vertus et les bienfaits du mort, lui parle de sa femme et de sa douleur, à la fin de chaque strophe, les assistantes la figure à moitié couverte de leur étoffe de soie foncée font entendre une plainte prolongée et frappent dans leurs mains semblant vouloir le réveiller; la veuve reste silencieuse. i. Les Albanais, hommes et femmes, dorment avec de larges caleçons.