48 SOUVENIRS DE LA HAUTE-ALRANIE. La nuit est venue, les visiteurs sont partis; il né reste plus que les parents, qui se réunissent accroupis par terre autour de celui qui ne peut plus les entendre, les femmes mornes, pendant que les hommes, qui maintenant sont dans la même pièce pour la triste veillée, fument et boivent en parlant du défunt, s’occupant à voix basse de ce qu’il a laissé et du partage; parfois aussi des amies obligeantes et zélées cherchent à consoler la veuve en lui faisant l’éloge des maris qu’elles ont déjà en vue pour elle. Ainsi passe la nuit, quand h; jour paraît, les hommes quittent la chambre et les lamentations recommencent, deux ou trois parentes se sont associées à l'improvisation de la pleureuse, elles alternent, insensiblement le chant devient plus strident, elles tournent autour de la pauvre dépouille humaine qui gît à leurs pieds, s’arrêtant pour l’embrasser sur le visage et sur les mains, à la fin de chaque strophe de plus en plus précipitée ; les femmes qui se trouvent maintenant en grand nombre — il en arrive sans cesse, on ne peut circuler dans la pièce qu’elles encombrent — battent des mains avec furie, poussant de temps à autre un sourd gémissement qui traverse comme un éclair cet orage de plaintes et de lamentations. Elle dure depuis dix heures, cette énervante et douloureuse gridata ; l’arrivée du clergé m’est un soulagement. Autant elle était touchante et pénétrante au début, cette plainte solitaire qui s’élevait craintivement douloureuse, planant sur le silence morne de la maison visitée par la mort, autant elle devenait énervante dans son allure heurtée. II y a peu d’années, la femme durant un an pleurait et chantait le mort chaque semaine le jour où elle l’avait perdu. Un règlement interdit aujourd’hui cette douloureuse manifestation ; l’habitude est