302 SOUVENIRS DE LA 1IAUTË-ALBAN1E. tuait pas. Affaiblir les chrétiens, les désunir et en vivre, la combinaison n’est pas de celles qu’on peut négliger. Absolument ignorants, isolés du contact étranger, les Albanais des montagnes sont moins sensibles à leur misère et n’en éprouvent aucune lionte car, n’étant pas en mesure de comparer, ils ne peuvent désirer une meilleure existence. Avant de trouver étrange leur fierté parfois excessive, il ne faut pas perdre de vue que seuls de tous les raïas, de races et de communions si multiples compris dans l’Empire, ils ont conservé le droit de rester armés. Ce privilège autrefois extraordinaire a certainement moins de prix aujourd’hui, mais il n’est cependant pas sans valeur, car il est la confirmation de l’accord intervenu entre leurs ancêtres et le Grand Seigneur, quand, renonçant à continuer la lutte, ils acceptèrent la domination ottomane. Ils ne sont actuellement soumis à aucun impôt, et leurs immunités sont à ce point étendues, que la régie des tabacs, établissement international, n’a pu être établie à Scutari et dans les montagnes. Leur sujétion est, on le voit, bien idéale ; elle se borne à fournir en temps de guerre des hommes dont la constante pratique des armes, la connaissance des montagnes, l’entraînement journalier, la bravoure, font d’excellents soldats irréguliers dans cette contrée; en rase campagne, ils n’auraient aucune tenue. Le Padischah a donc sous la main une pépinière de défenseurs pour cette frontière sans cesse menacée de son Empire et ne se trouve pas dans la nécessité d’y maintenir le nombre des troupes qui, dans d’autres conditions, seraient nécessaires. Cet avantage explique sa mansuétude pour cette population qui, de son côté, a le sentiment de son utilité et en abuse parfois, il faut le reconnaître.