64 SOUVENIRS DE LA H AU T E-A L B A NIE. et en même temps si solides dont ils garnissent les armes qu’on leur apporte; que de modèles, gracieux dans ces boutons destinés aux vestes de paysannes, étranges parmi ces lourds colliers de style byzantin si décoratifs! Si on avait l’idée de leur signaler des fautes de symétrie dans leur œuvre, qui sait s’ils ne vous répondraient pas comme les artisans musulmans : « Dieu seul peut faire une chose parfaite. » Qui, du reste, aurait la pensée de leur reprochercette naïve irrégularité qui est un des charmes de leur production ? De même que le pays est resté jusqu’à ce jour en dehors de la civilisation actuelle, de même leur art ne va pas comme style au delà du xv° siècle ; heureusement que la clientèle des montagnes, fidèle à leurs modèles, n’a pas encore obligé ces artistes à abandonner les vieilles maquettes autrefois employées par leurs pères, de là aucune banalité encore dans leurs œuvres. De temps à autre, en cherchant, on peut avoir l’heureuse chance de découvrir chez eux quelques anciens et intéressants bijoux vénitiens, des monnaies byzantines, serbes ou même de Scodra au temps de l’occupation vénitienne, objets trouvés dans la terre par les paysans qui les leur vendent au poids. Depuis que les revolvers et les fusils à tir rapide ont en partie remplacé les anciennes armes à silex, les armuriers victimes de cette concession à la civilisation, ne s’occupent plus guère que de réparations et de transformations; leurs boutiques sont encombrées de ces longs fusils à pierre dont les canons portent encore les marques des célèbres fabriques vénitiennes d’où ils sortaient, dont les crosses et les montures étaient si finement ciselées ; ils se rouillent pêle-mêle avec les yatagans et les anciens sabres recourbés des Os-manlis et parfois aussi quelque large et pesante épée vé-