LE BAZAR. 63 sulmans font leurs ablutions et tout ce monde reprend le chemin de la ville, s’égrenant de tous côtés, disparaissant dans les rues ombreuses, ne laissant dans cet amas de maisons en bois que des chats repus après cette journée de ripaille, digérant sur les toits aux derniers rayons du soleil couchant, ou des chiens en chasse dans les boues sanglantes de la rue des bouchers. Le bazar est silencieux; à l’exception des tziganes qui y occupent une rue, personne n’y habite. Seuls de temps à autre une patrouille ou les gardiens, qui le parcourent de crainte d’incendie ou pour en écarter les voleurs, en troublent la solitude. L'étranger qui visite le bazar un mercredi y trouvera certainement un incontestable intérêt, mais la vision, s’il n’y va qu’une fois, sera quelque peu trouble; pour le bien apprécier, il faut y passer une ou deux journées à étudier la vie des boutiques et les industries locales. La plupart des rues, comme dans tous les bazars orientaux, ont leur spécialité, ce qui est assez avantageux pour l’acheteur. En un coup d’œil il voit quel est l’objet qui lui plaît et peut acheter à meilleur compte ; les boutiques étant ouvertes et se touchant, il est aisé de marchander. On est surpris le lendemain du peu d’animation, la vente est à peu près nulle, le bazar est engourdi, ou mieux, fourbu, las du mouvement de la veille, trop fiévreux pour le nonchaloir oriental; huit jours seront à peine suffisants pour se préparer à ce nouvel effort, on travaille paisiblement assis sur des nattes ou des tapis. Les bijoutiers sont les plus intéressants ; on est confondu de leur habileté à travailler l’argent avec les grossiers outils qu’ils possèdent. Quelle patience et quelle adresse ne leur faut-il pas pour produire les ornements de filigrane si fins