ISTORIOGRAFIA ROMÀNA VECHE 201 littéraire, la chronique moldave supporte la comparaison avec n'importe lequel de ses modèles, réels ou supposés. On y trouve consignées les étapes et les échos des grandes luttes pour l’indépendance, ainsi que le rôle européen joué par la Moldavie à l’époque du plus glorieux de ses voiévodes. Cette chronique a du reste connu une large diffusion à l’étranger, sous la forme de versions moldo-allemande, moldo-russe et moldo-polonaise. L'on signale l’oeuvre du chroniquer Macarie comme un véritable bond qualitatif vers la narration complexe, fleurie, faisant preuve de certaines idées générales, contenant des portraits et des caractérisations de personnages historiques, un bond enfin vers l’histoire conçue comme une création littéraire. Macarie était un remarquable érudit, connaisseur du slavon et du grec ancien, hegoumène au monastère de Neam$ et ensuite évêque de Roman, chroniquer officiel du prince régnant Petru Rares — fils d’Etienne le Grand — et de la famille. Il décrit la période de 1504 jusqu’en 1542 dans une première rédaction de sa chronique et dans une seconde rédaction il continue de décrire les événements jusqu’ 1551. Il ressort, ainsi que l’a indiqué aussi Ioan Bogdan, que ce chroniquer qui peut être tenu, par ailleurs, comme un créateur d’école, a tiré la plupart de ses épithètes et formules de style de la Chronique de Constantin Manasses, qui lui a servi aussi de modèle. Or, Macarie demeure l'expression la plus parfaite et en quelque sorte la plus servile de l’influence qu’a pu exercer la chronographie byzantine sur l’historiographie moldave. Néanmoins, le contenu des faits relatés est rigoureusement exact (contrairement à ce qu'en pense Ioan Bogdan) et l’originalité du chroniquer moldave ne disparaît point sous la phraséologie d’emprunt manassienne. Cette chronique a été continuée jusqu’au règne d’Alexandre Lâpuçneanu par le successeur de Macarie, l'hegoumène Eftimie, qui en fait une rédaction laudative couvrant la période 1541— 1554. Il y imite, et l’avoue, le genre de Macarie, se plaçant de la sorte aussi sous l’influence manassienne. C’est encore la chronique de Macarie que continue, dans une version complétée par l’auteur le moine Azarie, lequel, de l’ordre de Pierre le Boîteux écrit l’histoire de Moldavie depuis la mort de Stefan Rare? (1551) jusqu’à l’avénement au trône de Pierre le Boôteux (1574). Azarie a connu personellement la chronique de Manassès et il s’en est copieusement inspiré, à cela près qu'il réussit à garder d'une manière saisissante son originalité d’écrivain. Mais, exception faite de la variante Putna II et de la chronique d'Eftimie, toute l’historiographie slavonne de Moldavie s’est trouvée prise dans la chronique roumaine de Grigore Ureche. Celui-ci, tout en suivant de près la structure de ses sources autochtones, les enrichit considérablement par des informations prises à des sources occidentales et polonaises et en fait une chronique rédigée sous le signe de l’influence de l’humanisme et non de l’historiographie byzantino-slave méridionale, qu’il ne connaissait d’ailleurs plus. Les chroniqueurs suivants (Miron Costin, Ion Neculce, et d’autres) s’inscrivent dans la même voie, de sorte que l'on peut dire que l’influence directe de l’historiographie byzantine et slave méridionale s’exerce, en Moldavie, rien que durant le XV-e et XVI e siècles. En ce qui concerne la Valachie, Mihail Moxa (1620) rédige pendant le premier quart du XVII« siècle ce qu’on peut appeler un premier essai d’histoire universelle en roumain. Le chronographe de Mihail Moxa reprend, en la résumant, la chronique de Manassès, qu’il continue du reste par une interprétation et traduction de la version slave de la chronique du patriarche Nicéphore, ainsi que par des chroniques serbes et la Chronique bulgare. De la sorte, il se trouve que certaines oeuvres principales de la chronographie byzantine et des annales historiques slaves méridionales ont été transposées en langue roumaine. Le chronographe de Moxa n’a pas exercé néanmoins d’influence sur le développement ultérieur de l’historiographie valaque. C’est à Moxa cependant que nous devons d’avoir enregistré, il est vrai sur la base d’écrits slaves, la bataille de Rovine entre Mircea l’Ancien et Bajazet, dont il en a fait une complète victoire, en éliminant l’information contenue par ces textes slaves selon laquelle le voïevode s’était retiré dans les montagnes à cause de la supériorité numérique écrasante de l’adversaire. Etant donné que cette page du chronographe de Moxa a inspiré la première partie de Scrisoarea III de notre illustre poète Eminescu, lequel décrit cette bataille de Rovine dans les mêmes termes, il s’ensuit que, par l’intermède de Moxa, un écho de l’ancienne historiographie byzantino-slave méridionale perce, jusqu’à nos jours, par l’une des plus célèbres créations de la littérature roumaine moderne. Il est indiscutable que l’on a utilisé pour la rédaction de la partie qui forme le début du Letopisef Cantacuzinesc (Chronique Cantacuzène), considérée comme la première histoire en roumain de la Valachie, les informations contenues dans les chroniques slaves méridionales.