29 UN POÈTE «SLAVO-ROUMAIN» : G. PESACOV 381 il admirait aussi tout particulièrement Néophite de Ryla. Malgré tous ses efforts « d’éclairer le peuple bulgare », Pesacov n’eut point d’écho. Une sorte de froideur intervient en fin de compte entre lui et Kipilovski d’une part et lui et Aprilov de l’autre. Le poète était en général contre les riches, qu’il accusait de vouloir éclairer le peuple seulement dans la mesure où cela pouvait servir leur propre gloire, sans le conduire vraiment dans la bonne voie. Ce fut peut être cette raison qui amena après 1839—1840 son détachement graduel de l’émigration bulgare et de ses problèmes. L’on peut affirmer que dans le grand intervalle que Pesacov consacra à l’écriture, c’est-à-dire une quarantaine d’années (1812—-1854) et durant lequel il n’a jamais cessé d’écrire et de traduire en roumain, ces oeuvres littéraires en langue bulgare —- pour ne point parler de celles en langue serbe, d’un caractère absolument fortuit — ne sauraient représenter qu’un élément épisodique. Il est vrai qu’il parle plusieurs fois de «notre peuple bulgare», en souvenir des années passées à Vidin, mais n’oublions pas que cela se passe toujours en 1835—1839. N’oublions pas non plus qu’avant cette date (1835), Pesacov fait toujours preuve de sentiments roumains et ce montre attaché à ce pays, même si parfois, torturé par la longue injustice née de l’interminable procès avec ses parents, il exprime le désir de tout quitter. En effet, quand enfin l’occasion se montre, il refuse de partir. Il y a du reste une explication psychologique au fait que Pesacov se montre avant 1835 patriote roumain et combattant pour la cause bulgare en 1835—-1839. En effet, nombreux étaient les Aroumains qui, à cette époque comme plus tard aussi, une fois émigrés et perdus dans la masse d’un milieu citadin serbe, bulgare, roumain, etc., adoptaient la résonnance caractéristique à la nationalité respective dans leur nom comme dans leurs sentiments. Pesacov ne fait pas exception à cette règle générale : une fois établi à Bucarest, il signe Pedestrâsescul ou Pedestrescul. Habitant longtemps ce pays, il acquiert des sentiments roumains. Mais ayant l’occasion de contacter en 1835 à Bucarest l’émigration bulgare, se souvenant des années passées à Vidin et alléché par la possibilité de voir publiées quelques unes de ses poésies, des liens se créent et de sentiments bulgares fleurissent. L’événement demeure cependant épisodique, puisque, après 1839, il romp d’avec l’émigration, réintégrant le milieu roumain. A partir de cet an 1839 et jusqu’à sa mort, il devait ne plus écrire ou traduire en aucune autre langue que le roumain. Ainsi, en mai 1846 il achève la traduction de la pièce « Marcellus à Nola »1 du serbe et en 1847, la pièce d’A. von Kotzebue intitulée « La mauvaise femme »2. L’on peut dire qu’avec cette dernière traduction Pesacov marche une fois de plus dans les traces des poètes Vâcârescu, puisque cet écrivain — l’un des premiers dramaturges allemands dont les pièces se soient jouées en pays roumain — a été tout d’abord, en 1836, traduit par Iancu Vâcârescu, qui inaugure la série de traductions où s’inscrivent les noms d’ion Voinescu, G. Asaki, etc. 3. 1 Traduction commencée le 23 avril 1846 et achevée le 8 mai de la même année. Bibliothèque de l’Académie, Mss. 1278, ff. 1—16. 2 Bibliothèque de l’Académie, Mss. 1278, ff. 10—40. * Gheorghe Bogdan Duicâ, Traducâtorii romàni ai lui A. de Kotzebue (1830—1850), dans Lui Titu Maiorescu, Omagiu, Bucarest, 1900, p. 188—204.