9 VARIATIONS RÉGIONALES DE L'INFLUENCE DU SLAVE SUR LE ROUMAIN 39 de l’ouest et du nord du pays. Nous citerons ici quelques éléments vieux slaves que nous ayons trouvés dans le glossaire de la monographie de Teaha et qui sont limités à la Criçana, à moins d’apparaître aussi au Banat et au Maramureç, et — éventuellement — en Transylvanie. bicâ „taureau” (nous trouvons bic dans l’ancien district Caraç) ; delnitâ „enclos, autour d’une étable” ; mezdreauâ „coutelas”, pàstravi, pîstravi „tâches de rousseur" (pl.) \ pricazâ „chose qui mécontente, afflige“, „ennui”, à comparer à pricâjit „misérable, pitoyable” du village de Mastacan, district de Piatra-Neamt, au lieu de necaz, a necaji, qu’on retrouve sur le reste du territoire daco-roumain ; rudâ et ruditâ „pieu servant à fixer le foin du char” ; scleme, sclemnâ, solemne, sclemn (à Sácele, district de Brasov, slemene) „planche rattachant deux chevrons” ; toriu, turiçte „restes de bon foin, après le passage des moutons”. § 6. L’influence du vieux-slave revêt un aspect spécial dans le parler de Maramureç. Souvent le parler va de pair, de ce point de vue, avec ceux de l’ouest du pays, donc avec les parlers de la Crisana et même avec ceux du Banat. On n’a pas encore insisté là-dessus. D’ailleurs, le seul chercheur qui s’est occupé d’une manière plus détaillée du parler de Maramureç, Tache Papahagi, Graiul fi folclorul Maramuresului, p. LXXIII, semble y nier l’existence des éléments vieux slaves ; mais le glossaire de son étude contient de nombreux mots d’origine slave, expliqués à l’aide d’étyma vieux slaves. Après avoir affirmé que l’influence ukrainienne sur le lexique du Maramures est la plus forte, il ajoutait que cette influence était aussi la plus ancienne. Ce qui semble signifier qu’elle se serait exercée à la même époque à laquelle les autres sous-dialectes daco-roumains ont subi l’influence du vieux slave. La supposition est, évidemment, fausse. Les nombreux éléments slaves anciens des parlers du Maramureç ne sont pas — comme semble l’admettre T. Papahagi — des emprunts faits au langues slaves orientales, dans une phase plus ancienne de ces langues, mais ils ont été empruntés à un dialecte vieux-slave du type bulgare. L’influence ukrainienne sur le lexique des parlers de Maramure^ ne peut pas remonter au delà du XIIe siècle, époque où des Ukrainiens s’établissent au Maramures. Jusqu’au XIe siècle, le sous-dialecte de Maramureç a subi une influence du vieux-slave, qui s’avère être tout aussi puissante que dans les autres parlers daco-roumains. Le mot a sa cunti ou a sa cumti „s’habituer” (cf. aussi cunk’it „habitué”, que Papahagi considère, loc. cit., comme un emprunt fait aux langues slaves du nord, et pour lequel il propose l’étymon *kqtati \ en écartant l’ukr. kontyvati) ne peut être expliqué que comme élément d’origine ukrainienne où, en dernière instance, d’origine obscure, le si. *kçtati ayant le sens de „couvrir, cacher”, qui ne pouvait pas évoluer à „habituer”. Comme on peut le constater en lisant le glossaire que Papahagi a publié dans son étude, dans le sous-dialecte du Maramures il y a beaucoup de mots empruntés au vieux slave, qui se trouvent aussi dans les autres parlers daco-roumains : 1 L’auteur renvoie à Berneket.