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G. IVAtNESCU
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    bghïbol „buffle”, botâ „bâton du berger”, breanâ „barbeau”, bureanâ „bruyère”, clopot „cloche”, coastâ, crancâ, -gâ, „branche”, a cerni „noircir, endeuiller”, ciudâ „ennui”, etc.
    Mais, à part de tels mots, il y a aussi des éléments lexicaux d’origine slave ancienne spécifiques au Maramures et parfois à la Crisana et au Banat.
    bicâ „taureau” (comme en Criçana et en Banat), mastehâ „marâtre”, mejdâ „limite” (Yiçeul de Jos), mladâ „petite verge mince” (Ieud) (mlâditâ, dans les autres régions du dacoroumain), nâclad „cavité où l’on peut faire du feu” : E u$or la nâclad sâ faci foc (rencontré aussi en Crisana ; cf. ci-dessus § 5), nâzdrâvân „miraculeux” (en parlant des personnes et des bêtes fabuleuses), a oborî „abattre”, rudâ „perche”, „branche longue et mince sur laquelle on pend les habits”, „essieu”, staniçte (pl. stânisti) „halte” (cf. a sta de staniçte ; Ieud) ; turiste «endroit où le bétail a brouté » (Moisei).
    T. Papahagi enregistre, dans Graiul si folclorul Maramure§ului, p. 236, les adjectifs vlast «humide» (Ieud), vlâstoasd «qui donne beaucoup de lait» (oi vlâstoasâ) et enfin vlâstosà dans stea vlastosâ, stea care tîpâ mana pâstâ toatâ lumea «étoile qui envoie la manne au monde entier ». Il renvoie sous ce dernier mot, au slave (c’est au fond, le vieux slave) vlastï, mais sans montrer les rapports existant entre les mots roumains et le mot vieux slave. Il faut supposer un *vlaste, emprunté au vieux-slave — et qui est supposé aussi par la forme du Hateg vlastâ «force, puissance», — mais ayant le sens de «humidité », sens développé par les Roumains (le sens originaire du vieux slave était celui de « pouvoir politique ») ; c’est de là que s’est créé le dérivé vlâstos «vigoureux, puissant, humide » (et de là : «qui donne beaucoup de lait ») ; cf. aussi vlâstoçel1, dérivé de vlâstos. La création de l’adjectif vlast « humide » a eu lieu par analogie avec des paires de mots comme vesâl-vesâlos, existantes au Maramures. L’évolution sémantique inverse, d’« humidité » à « vigueur », on la retrouve dans le vieux slave vlaga « humidité » < *volga, lui-même un dérivé de la racine indo-européenne uel-, uol- « humide ». L’évolution sémantique du mot s’explique par le fait que la force physique ou la force vitale supposent la sève pour les plantes et le lait pour les animaux. Quant à l’expression stea vlâsto§a « étoile qui verse la manne sur le monde entier », elle s’explique par la survivance d’une conception magique primitive sur les astres qui influencent le développement des forces vitales. Revenant au problème étymologique, nous considérons que les termes du Maramures dont nous nous sommes occupés ne peuvent s’expliquer que par l’emprunt du mot *vlaste au vieux-slave de type bulgare ou tout au plus slovaque, parlé sur le territoire de notre pays.
    § 7. La présente recherche s’est occupée des parlers et non pas des mots, car bien souvent il est impossible, de nos jours, de fixer avec précision l’aire de diffusion des faits de langue discutés ; ou bien on ne peut le faire qu’après l’examen des nombreuses publications folkloriques, dont la plupart n’inspirent que peu de confiance en ce qui concerne l’exactitude de la transcription phonétique des faits de langue. Nous pouvons affirmer dès main-
     1	La présence de vlastâ « force, état » dans l’ancien district de Teleorman s’explique problement par des migrations des régions du Nord des Carpathes.