3 L’INFLUENCE ROUMAINE SUR LES LANGUES' SLAVES f,l Il faut accorder une attention toute spéciale à l’ouvrage de I. Sarovol’-s’kyj 1 où sont examinés 94 mots, dont — à son avis — quelques- uns, étant d’origine latine, ont passé directement du roumain dans l’ukrainien, tandis que d’autres, provenant des langues grecque, albanaise, magyare, tartare et turque, y ont pénétré par l’intermédiaire du roumain 2. Cependant, une série de mots, pénétrés dans l’ukrainien par l’intermédiaire de la langue roumaine, sont considérés comme étant d’origine inconnue. L’ouvrage de Sarovol’s’kyj a du mérite aussi du fait qu’il essaie d’y établir la chronologie des emprunts roumains pénétrés dans la langue ukrainienne. A son avis, les plus anciens emprunts, attestés comme étant du XVIe siècle, pourraient dater d’avant cette période. B. Kobyl’ans’kyj 3 également, consacre un chapitre de son ouvrage aux éléments étrangers, parmi lesquels il énumère 113 mots d’origine roumaine. 1 I. Sarovol's'kyj, Rumuns’ki zapozyceni slova v ukrajins’kiî movi, * Zbirnyk zachodoznavstva » Kiev, 1929, p. 52—65. 2 De nombreux travaux linguistiques font une distinction nette entre les emprunts directs faits à une langue et les emprunts transmis par la filière de cette même langue, en les considérant comme deux phénomènes différents. La filière (l’entremise, l’intermédiaire) se justifie seulement pour l’étude de l’histoire plus lointaine des mots et de leur circulation. Le fait qu’un mot — mettons, roumain — emprunté par la langue ukrainienne, est, à son tour, un emprunt fait par la langue roumaine à une troisième langue, n’est pas de nature à ébranler la provenance roumaine de ce mot, existant dans l’ukrainien, et de le considérer comme étant un « emprunt indirect » par « filière » roumaine. L’itymologie de l’emprunt se trouve dans la langue à laquelle cet emprunt a été fait directement. Si l’on ne tient pas compte de ce fait, on finit par fausser ou méconnaître les contacts linguistiques réels, historiquement constatés, et établir entre les langues des rapports et des contacts fantaisistes. Les mots ne circulent pas comme les monnaies, lesquelles demeurent pareilles, aussi nombreuses soient-elles les mains par lesquelles elles passent. Les mots ne sont pas, purement et simplement, pris à une langue pour être transmis à une autre, avec leurs traits d’origine, mais — tout premièrement — ils sont adaptés au système phonomorphologique de la langue qui sert d’intermédiaire, en subissant aussi, par ailleurs, des modifications sémantiques. Autrement dit, avant d'être empruntés par une troisième langue, ils deviennent des mots de la langue considérée intermédiaire. Par rapport aux problèmes ci-dessus, cf. I. P à t r u împrumuturi prin filierà. dans « Cercetàri de lingvisticà », X (1965), no. 2, pp. 327—336. Pour revenir à l’ouvrage cité, l'application d’une semblable méthode crée l’inconvénient de diminuer le volume des rapports linguistiques entre les deux langues, mettant à la charge d autres langues (grec, albanais, magyar, tartar, turc) des emprunts de provenance clairement roumaine. Nous insistons sur ce point de vue, car dans certains cas on a employé la filière pour diminuer l'influence roumaine jusqu’à la nier (cf., par exemple, D. Crânjalà, Rumunské vlivy v Karpatech, Prague, 1938). 3 B. Kobyl’ans’kyj, Hucul’s’kyj hoviy i joho vidnoSen'n a do hovoru Pokut t a, « Lkrajins'kyi dialektolohicnyï zbirnyk », kn. I, Kiev, 1928, pp. 81—85 ; voir aussi J. J a n 6 w, plyw slownictwa rumutiskiego na Podkarpacie, osobliwie na gwarç huculskq., dans « Sprawoz-c anie lowarzystwa Naukowego we Lwowie », I, 1938, pp. 15—22.