7 LES LIVRES POPULAIRES' 263 D’abord, les livres populaires ont été transposés dans la langue vivante de l’époque pour le motif qu’ils s’adressaient aux masses populaires et, outre cela, à l’origine même ils se sont basés sur des narrations et des motifs folkloriques. Puis, dans leur diffusion, ils se sont presque partout régénérés à l’aide des éléments folkloriques locaux, qui ont été captés en language populaire, en conservant une tonalité littéraire folklorique. Nous avons essayé, dans une série de travaux, de démontrer que le fond folklorique est présent dans la plupart des livres, soit originellement, soit par infiltration ultérieure 1. Donc, ce n’est pas seulement le contenu des livres populaires qui a poussé des germes dans le folklore 2, mais plutôt c’est celui-ci qui a enrichi la matière des livres populaires. Les fables ésopiques ont été au commencement de simples contes aux animaux et plus tard furent ramassées en écriture. Elles contiennent, d’après les recherches modernes, des fables plus vieilles que le temps d’Ésope et d’autres d’une époque plus avancée. Au moyen âge on leur a ajouté la morale finale 3. De plus, le texte de ce livre populaire, qui a réuni au moyen âge Les Fables et La Vie d’Ésope, a soufert, presque dans chaque littérature, de différents remaniements, du moins stylistiques. Un des exemples les plus éloquents du monde slave le constitue bien sûr L’Ésope polonais écrit en vers par Biernat de Lublin et publié en 1522 à Cracovie. L’auteur a introduit dans le texte à peu près 200 proverbes populaires, qui sont en effet un premier recueil parémiologique polonais 4, dont s’est servi plus tard le parémio-graphe Salomon Rysiriski pour sa collection Proverbiorum polonicorum cen-turiae, Lubicz, 1618. Naturellement, l’oeuvre de Biernat de Lublin contient aussi d’autres éléments populaires. Une version roumaine des Fables ésopiques a assimilé des narrations folkloriques, comme, par exemple, le conte du loup à la queue rompue après un repas parmi les gens, à l’invitation du chien. Le renard lui fait une queue de filasse de chanvre, puis lui conseille de sauter au-dessus d’un feu, la queue s’enflamme, le loup pourchasse le renard qui se cache dans un creux d’arbre, etc., etc.5 Le conte est ajouté à la fin de la fable L’homme et le chien 6. L’existence même, dans La Vie d’Ésope, d’anciens motifs littéraires, comme la construction d’une cité en air, et d’autres tâches difficiles à remplir, denouées par la sagesse d’un vieux conseiller, n’appartiennent pas, comme on l’a afirmé, à l'Histoire du sage Ahikar 7, mais à la littétrature folklorique, pour le simple motif que L'Histoire d'Ahikar n’a pas eu diffusion en Byzance en langue grecque. En outre, La Vie d’Ésope contient beaucoup d’éléments du même type. Le version serbocroate de L’Histoire d’Alexandre le Grand a été aussi refaite d’une façon créatrice d’après une version occidentale du type Historia Alexandri Magni, regis Macedoniae, de proeliis, chose prouvée par le compa- 1 Voir « Analele Universitàtii Bucureçti », Filologie, X, 1961, p. 57 ss ; « Romanoslavica » IX, 1963, p. 413 ss; ibidem, XIII, 1966, p. 93 ss. 2 Voir surtout Moses Gaste r, Literatura popularâ romàna, Bucarest, 1883. 3 Cf. Ésope, Fables, édition du texte grec par Émile Chambry, Paris, 1927. 4 Cf. J. Krzyzanowski, Mqdrej glowie dose dwie slowie, t. I, Varsovie, 1960, p. 16. 6 Bibliothèque de l’Académie Roumaine, Ms. 2088, f. 150 r. 6 Cf. Aesopi Phrygis Fabulae grecae et latinae, Venise, 1619, p. 261 : Homo et canis. 7 B. Meissner, Das Märchen von weisen Achiqttar, Leipzig, 1917.