27 CONTACTS ENTRE L’HISTORIOGRAPHIE ROUMAINE ET TCHÈQUE 435 Sur l’absence de gothismes dans la largue roumaine et pour riposter à Roesler, Hasdeu y revient dans Zîna Filma (Le fée Filma). Il y démontre que la domination des Goths ne s’étendait pas sur tout le territoire dacique, comme le pensent les adeptes de la théorie roeslerienne, mais seulement sur la contrée comprise entre le Pruth et le Dniester. Son plus fort argument historique, renforcé par une longue citation de Safar«k, est le fait que l’empereur romain Valentinien, en 167—169, n’a pu atteindre les Goths que par un pont construit sur le Danube à la hauteur d’Isaccea, tout comme jadis Darius 1. Comparatiste par formation, dans tous les problèmes d’histoire ou de philologie, Hasdeu étend le plus possible le champ de ses investigations, en faisant des incursions dans l’histoire et la culture des peuples voisins. Ainsi, dans la recherche des croyances et des superstitions, imaginées autour de la fée Filma, qui ont circulé dans la région du Banat, Hasdeu précise que la notion autant que le contenu ont été empruntés aux Goths et aux Gépides installés sur le cours inférieur de la Tissa. Filma en langue gothique signifie peur, terreur comme Hasdeu l’affirme, et pour mieux en définir le contenu, l’historien roumain poursuit les analogies du mot dans la culture d’autres peuples. Pour la notion de fièvre, qui dans beaucoup de langues dérive de terreur, il existe en tchèque la forme trasavka et pour terreur = tras ; bien plus, dans le manuscrit de Kralové Dvur, Tras apparaît aussi comme Dieu de la Terreur, tout comme Filma. Seulement, n’oublions pas que le manuscrit en question est un faux fabriqué par Vdclav Hanka 2. En laissant de côté quelques références faites par Hasdeu dans le premier volume de Cuvinte din Bâtrîni (Propos du Vieux Temps) 3 à la philologie tchèque, lorsqu’il discute quelques étymologies, passons à l’étude du second volume, paru en 1879 4. Pour la légende du Dimanche, le philologue roumain fait encore appel aux anciens manuscrits publiés par Vâclav Hanka. La variante reproduite par Hanka s’intitule « List s nebe » (Epître du Ciel) et contient quelques éléments intéressants que Hasdeu fait ressortir en évidence avec tout un passage du texte tchèque 6. Ailleurs, en parlant d’une « rareté bibliographique » — il s’agit d’un Evangéliaire slavon imprimé aux frais de « maître Lekner de Braçov » —, Hasdeu note que l’exemplaire, par le fait de ne pas porter de date de parution, a embarrassé les philologues slaves. « Seul l’illustre Safarik, dit l’auteur, plus prudent, observe que l’époque précise de Bekner doit être recherchée dans l’histoire spéciale de Transylvanie »6 1 B. P. Hasdeu, Zina Filma. Golii si Gepizii in Dacia, Bucarest, 1877. p. 5 — 6 et Istoria critica... p. 298 (P. 5 a f a r i k, Ulber die Abkunft..., p. 116 — 117). 2 B. P. Hasdeu, op. cit., p. 25 (V. Hanka, Rukopis krdlodvorskf, Prague 1843, p. 51 et 83). 3 B. P. Hasdeu, Guvente den bàtrini, Bucarest, t. I, 1878 4 B. P. Hasdeu, Cuvente den bàtrini; Càrtile poporane ale romanìlor in sec. al XVI-lea Bucarest, 1879. 5 B. P. Hasdeu, Ist. critica..., p. 31 — 32 (V. Hanka, Starobyld sklàdanie. Pamdtka Xll-a XIV. veku, Prague, 1818, t. Ili, p. 259 — 262). 6 Ibidem, p. 93 — 94 (P. S a f a r i k, Geschichte der serbischen Literatur, Prague, 1865, t. I, p. 255).