9 L'ACCUSATIF DANS LES LANGUES SLAVES 169 satif du prédicat (il entre comme attribut du sujet dans la structure du prédicat). Dans la première moitié du XIXe siècle, la construction accusa-tivus duplex est relativement fréquente en russe l. Au fur et à mesure cette construction est remplacée, on le sait, par une autre, à savoir par un nom en accusatif, accompagné d’une adjectif ou d’un participe à l’instrumental prédicatif. Ce processus est, donc, en rapport avec le rôle syntaxique spécifique de l’instrumental dans les langues slaves et baltiques, où ce cas a eu une évolution différente de celle des autres langues indo-européennes. § 12. Mais les monuments des langues slaves attestent aussi la différentiation et l’évolution parallèle des autres fonctions fondamentales, que nous avons considéré primaires pour l’accusatif indo-européen, c’est-à-dire les fonctions qui tiennent de l’espace ou de l’objet. Dans l’évolution de l’accusatif qui désigne l’objet il faut distinguer deux périodes : l’une, plus ancienne, avant l’apparition des prépositions et des cas obliques, et l’autre, plus récente, après la constitution de ces catégories. L’apparition des constructions prépositionnelles a eu, évidemment, une influence décisive sur l’histoire ultérieure de l’accusatif. Développées relativement plus tard, en tout cas après la scission de l’indo-européen commun, les prépositions changent radicalement le système linguistique 2. Dès l’apparition de ces mots, les rapports grammaticaux sont désignés simultanément par l’association de la préposition et du cas respectif 3. Au lieu de la forme flexionnelle, le sujet parlant emploie un syntagme, constitué d’un cas quelconque et d’une préposition. Grâce à leurs sens 4, les prépositions élargissent, complètent et renforcent le sens exprimé antérieurement en exclusivité à l’aide de la forme casuelle. Généralement, dans la plupart des cas le sens reste le même ou presque le même. Car il y a une affinité sémantique entre la forme casuelle et la préposition, à l’aide de laquelle elle se construit. Si la réalité avait été autre, nous n’aurions pu attendre que l’adverbe soit assi- 1 Voir aussi L. A. Bulahovski, Pyccmïi jiumepamypHbm miuk nepeoü noAoeuubi XIX eeKCt, Moscou, 1954, p. 332. 2 Cf. la remarque d’A lbert Sechehaye, op. cit., p. 75 : « Et pourtant cet instrument de la flexion, qui est souvent suffisant, ne l’est pas toujours, et les sujets parlants se sont naturellement mis en quête des moyens propres à préciser dans la phrase l’expression de certaines relations. De cette tendance est née la préposition, et dans les langues indo-euro-péennes on assiste au développement progressif de ce nouveau procédé. Comme il y vient suppléer aux insuffisances de l’instrument flexionnel, il suppose d’abord cet instrument existant, et il agit en se combinant avec lui ; c’est ce qu’on voit en grec, en latin, en allemand, etc. Mais la comparaison même de ces langues qui représentent comme des étapes diverses dans l’évolution normale du procédé fait voir que la préposition en suppléant à l’emploi des cas, tend à diminuer leur importance, à les rendre inutiles et inopérants au fur et à mesure qu’elle se développe elle même, et finalement à les éliminer peu à peu pour aboutir à un état où la préposition subsiste seule comme en français ou en anglais. L’histoire de chacune de ces langues montre d’ailleurs cette évolution ». 3 Pourtant, il y a de nombreux exemples d’où il résulte que l’accusatif seul (et, sans doute, d’autres cas aussi) designe un rapport syntaxique, dont le sens dépend du mot principal, 4 En ce qui concerne le sens lexical des prépositions, voir aussi Albert Sechehaye, op. cit ; Iorgu I o r d a n, Limba românâ contemporanâ, Bucarest, 1956, p. 475 et suiv. Gramática limbii române, I, Bucarest, 1963, p. 329—332 ; D. S p a s .0 v, P. B o u 1 y o v a, op. cit. p. 8 et suiv.