9 L’HISTOIRE DES ÉTUDES SLAVES EN ROUMANIE 201 Constantin Cantacuzène a été annoté par celui-ci et transmis en 1698 à ses fils pour en être étudié 1. Fait particulièrement intéressant, cette grammaire a été deux fois reimprimée en Valachie : la première fois par Antim Ivireanul à Snagov, en 1697 (reproduisant l’édition de 1619) ; la seconde impression, celle de Rîmnicu-Vîlcea, a été faite en 1755, sur la demande du métropolite serbe Pavel Nenadovic, à l’usage des écoles serbes (pour cette dernière impression, on s’est servi des éditions de 1648 et de 1721). C’est à D. Strungaru que revient le mérite d’avoir attiré l’attention, après que B. P. Hasdeu et Gr. Cretu l’ont eu signalée en passant, sur la première grammaire manuscrite roumaine, au fond, une grammaire mixte slavo-roumaine, rédigée par le même grammairien Staicu de Tîrgoviçte, dans la septième décennie du XVIIe siècle ; elle se trouve dans le manuscrit qui conserve aussi son Dictionnaire. Maître de slavon à l’Ecole de Tîrgoviste, fondée du temps de Matei Basarab, Staicu a mis donc à la portée de ses disciples tant un riche dictionnaire slavo-roumain, que la première grammaire roumaine (slavo-roumaine), faite sur le modèle de la grammaire de Smotrickij. Plus tard, d’autres lettrés, quoique influencés par la même grammaire du slavon, mais aussi par des grammaires latines et grecques, ont élaboré les premières grammaires roumaines proprement dites, à savoir : en 1757, donc à presque un siècle de distance, Dimitrie Eustatie Brasoveanul compose sa Gramatica româneascâ (B. A. R., manuscrit roumain n° 583), et quelques ans plus tard, entre 1769 et 1774, le moine Macarie prépare à Iassy, en vue de l’impression, une nouvelle Gramatica rummâneascâ (mais qui n’a plus paru) 2. Dans ces grammaires, on élabore pour la première fois la terminologie linguistique roumaine, dérivée — par l’intermédiaire du slavon — des sources greco-latines et formée surtout par des calques (abandonnés par la suite), mais aussi par des emprunts qui se sont conservés jusqu’à aujourd’hui dans notre langue : gramatica, ortografié, prosodie, etc. Laissant de côté les autres travaux à caractère pratique de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, ouvrages russo-roumains pour la plupart, nous constatons que la période de la culture roumaine écrite en slavon, dont il nous est resté quelques manuscrits précieux renfermant des écrits philologiques slaves, a été suivie par la période des commencements de la philologie roumaine originale, parue sous la forme des écrits lexicographiques et grammaticaux slavo-roumains des XVIe —XVIIIe siècles. Au début, on ne traduisait que du slavon, qui continuait à remplir le rôle de langue de culture dans l’Europe du Sud et de l’Est ; mais plus tard, les lettrés roumains 1 Voir D. Strungaru, Gramatica lui Smotritki si prima gramatica româneascâ, Ksi, IV, 1960, p. 289-307 (suivi de bibliographie). C’est toujours à cet article que nous avons emprunté les explications qui suivent. Voir aussi tout dernièrement, C. Dima-Dràgan, Biblioteca unui umanist roman, Constantin Cantacuzino Stolnicul, Bucarest, 1957, n° 170, p. 175 (le livre se trouve maintenant à la B.A.R. : cote CR II 325878). 2 Voir : R. I o n a § c u, Gramaticii romani. Tractat istorie despre evolujia studiului gra-maticei limbii romàne de la 1757 pînâ astâzi, Iassy, 1914 ; Iosif Pervain, Dimitrie Eus-tatievici, dans « Studia Universitatum Victor Babes et Bolyai », Ill-e tome, n° 6, 1-er fase., Philologia, 1958, p. 27-47 ; N. A. U r s u, Modelul latin al gramaticii lui Dimitrie Eustatievici Brasoveanul, dans « Limba romàna », XVI, 1967, no 5, p. 423-433.