des nuances assez prononcées, selon que l’on envisage le tosque ou le guègue : en tosque, ë accentué est une voyelle médiale, proche de l’a roumain, tandis que ë inaccentué est plus antérieur et plus fermé que l’Æ roumain ; il peut disparaître, dans l’élocution a. Les différences entre ces trois timbres vocaliques apparaissent dans le traitement de la voyelle inaccentuée : l’cf inaccentué du roumain se prononce et s’endend : pâsâri, casâ. À la finale absolue, il s’oppose à a : casâ « maison » : casa « la maison »s. Il n’en est pas de même en bulgare et en albanais : 1’t> inaccentué du bulgare a disparu ; en albanais, ë inaccentué peut disparaître dans l’élocution, comme nous l’avons indiqué ci-dessus: guègue du nord shpi « maison » (= shtëpi), g. pûrt «travail » (t. punë), i mir « bon » (t. i mire), g. tet « huit » (t. tëtë, etc.). L’t du bulgare provient de i et de p (*) du vieux slave. L’Æ intense du vieux slave était une sorte de ô ou de a (cf. Va du roumain) très bref (en bulgare, il est proche de l’a)4. Ultérieurement, v. si. ü (t>) a été vocalisé en o. Quant à v. si. ç (a), c’était une voyelle nasalisée, qui a passé à "bn en médio-bulgare, puis à t>, par perte de la nasalité 5. L’a du roumain et l’ë de l’albanais sont non seulement analogues, à l’audition, mais leur origine est pareille ; en syllabe inaccentuée : lat. camisiay dr. câmasâ, alb. këmishë; lat. laudare> dr. lâuda, alb. lëvdôj; lat. parentemy dr. pârinte, alb. përint; en syllabe accentuée: lat. canepa (cannabis)y dr. cînepâ, alb. g. kanèp, t. kërp; lat. canlicumy dr. cîntec (repose sur un plus ancien *càntec), alb. t. këngë6. ★ L’î du roumain est issu, dans la majorité des cas, de a; î est une voyelle médiale fermée 7. 1. î provient de lat. a + n (m) (+cons.): lat. canisy *câne> dr. cîne, lat. campus> *càmp> cîmp ; de v. si. p> k en médio-bulgare : v. si. mçdrü; dr. mîndru; de gr. a -f n : gr. dr. spîn ; de magy. a -f n (-f-cons.) : magy. bântaniy dr. bîntui; de te. ottoman a + n (+ cons.) : te. ottom. kantary dr. cîntar. s Al. R o s e t t i, Istoria limbii romtne, II, Bucarest, 1943, p. 88; Eqrem Çabej, Sur l’histoire de la voyelle ë en albanais (en alb.), Bulelin per shkencat shoqerore, nr. 1, 1956, p. 123 : ë représente 3 sons différents de l’albanais, par exemple dans vëlla «frère», një «un» et besë «foi»; ë accentué manque, en général, dans le guègue actuel, mais il est atesté au XVIe siècle (chez Buzuk), oû il est noté e. On le retrouve de nos jours en guègue, dans la région marginale de Debra (oû il tend vers o). En tosque, il a le timbre o, dans la partie occidentale, e, dans la partie orientale, et l, dans la partie méridionale. * V. Graur-Rosetti, Esquisse d’une phonologie du roumain, dans A. R o s e 11 i, Mélanges de linguisique et de philologie, Copenhague-Bucarest, 1947, p. 42. 4 A. Vaillant, Manuel du vieux slave, I, Paris, 1948, p. 27 ; Horace G. L u n t, Old Church Slavonie Grommar, La Haye, 1955, p. 30 — 31. 5 V. Al. R o s e 11 i, Influenla limbilor slave meridionale asupra limbii romlne (sec. VI-XIII), Bucarest, 1954, p. 67 et s. et Lunt, op. cit., p. 30-31 et 34. * V. A. R o s e 11 i, Contributions à l’analyse physiologique et à l’histoire des voyelles roumains ü et i, dans Mélanges, p. 133 et s. 7 à du bulgare est différent de l’< du roumain et de l’î du turc par la hauteur du ton; v. Stolkov, op. cit., p. 52. 28