contemporain allemand vivant en Moldavie, sont soigneusement cachés par le chroniquer princier. Ainsi la capture du prince par une troupe de hongrois après la bataille de Baia (1467) et sa rançon73, le revers initial de la lutte de Scheia, quand Etienne dut gir parmi les morts jusqu’à l’arrivée des boïars qui le sauvèrent74, le retour, en mars 1474, de l’armée moldave quittant la Valachie à cause du grand froid75. Toutes ces mentions sont volontairement omises par le chroniqueur officiel en langue slave qui veut présenter le prince comme un vainqueur sans faibleses et sans défaut à son armure. De toute façon, de la relation parfois gauche du premier historiographe roumain on devine, si l’on n’arrive à détacher entièrement, la figure de cet homme si grand et simple qui n’a pas douté un instant de l’étoile de son pays au cours de ses labeurs et dangers sans nombre. L’autorité du souverain à l’interieur ne se fondait pas seulement sur le fait qu’il était le défenseur du pays contre les ennemis du dehors, mais aussi sur l’organisation de son gouvernement à l’intérieur et sur ses relations avec les boïars ainsi qu’avec les autres classes socials. Le voévode Etienne a lutté pour établir solidement l’autorité souveraine, et ceci ressort clairement de la lecture de la chronique où le rôle de la classe des boïars et des boïars en général est minimalisé. Bien caractéristique à ce sujet est la manière différente dont est rendu l’avènement au trône d’Etienne le Grand par les diverses chroniques. La chronique dite « Bislrita » reproduisant l’ancienne version officielle émanant de la cour, dit : « Etienne a vaincu par la grâce de Dieu et a pris le sceptre de la Moldavie76». Son règne donc lui a été donné par Dieu et par ses armes et l’on ne mentionne même pas son onction par le métropolite. La chronique de Poutna, qui est un remaniement du XVIème siècle, ajoute pourtant: «Après cela il a réuni le pays tout entier avec le très saint metropolité kir Théoctiste sur le Siret à l’endoit que l’on nomme aussi maintenant — Direptate — (la justice) et ils l’ont oint pour régner avee l’aide de Dieu»77. Mais au XVIIème siècle, le chroniqueur Gregoire Ureche, appartenent aux grands boïars, donne encore d’autres précisions: «Donc le voévode Etienne rassembla les boïars du pays, et grands et petits et ses autres gens de cour plus menus, ensemble avec le métropolite Théoctiste et bon nombre de religieux, à l’endoit qui se nomme Direptate (la justice) et s’enquit de tous: est-ce leur vouloir à tous qu’il soit leur prince? Et eux tous ensemble ont crié d’une seule voix: De longs ans te donne Dieu pour régner. Et donc tous ensemble ils l’ont élevé au trône et il fut oint pour régner par le métropolite Theoctiste78». Il est donc question ici d’une élection par la réunion des états du pays. Cette comparaison est concluante. La chronique de cour ne reconnaît pas l’élection d’Etienne par les boiars et le pays, les boïars ne prennent point part au début aux actions d’éclat du prince qui fut établi par la main de Dieu et la force de ses armes. 73 Cronica lui ÿtefan cel Mare, ed. par I. C h i t i m i a, p. 39. 74 Ibidem, p. 50 — 51. 76 Ibidem, p. 42. 76 I. Bogdan, Cronice inedite . p. 37. 78 I. Bogdan, Letopiselul lui Azarie, p. 147. 78 G r. Ureche, Letopiseful (ârii Moldovei, ed. par P. P. Panait escu, Bucarest 1955, p. 83. 165