On sait par la chronique moldavo-allemande qu’un boïar Purice sauva la vie du prince dans la lutte de Scheia (1486), le sortant du milieu des cadavres amoncelés et toujours alors un autre boïar Pintece se saisit du prétendant Pierre Hronoda79. Mais la chronique de cour ne reconnait pas les mérites de cex deux boiars. D’après cette chronique le prince lui même s’est saisi du prétendant et lui a tranché la tête. On ne reconnait ni même la fait que le prince fut désarçonné au cours de cette bataille80. La chronique de Poutna du siècle suivant mentionne cette chute de son cheval, mais ajoute aussitôt: « Dieu le protégea »81. Il nous faudra attendre presque trois siècles pour que le boiar chroniqueur Jean Neculce ramène à là lumière de l’histoire, en se fondant sur le tradition, la figure du boïar Purice qui sauva la vie d’Etienne le Grand à Scheia82. L’omission du texte de la chronique officielle d’un fait historique, comme celui de l’élection du prince par les boïars, ou d’un épisode si important comme celui d’avoir été sauvé de la mort par certains boïars, n’est sûrement pas due au hasard et fournit la preuve d’un point de vue du souverain hostile aux boiars. La personne du souverain doit être campée en un fier isolement sans aucune obligation vis à vis de la classe des grands féodaux qui manifestent de trop grandes prétentions à des privilèges politiques. Le prince, relate la chronique officielle, « a tranché la tête aux boïars Isaia le dvernik, Alexa le stolnik et Negrilâ l’échanson », sans que le chroniqueur juge nécessaire de montrer les raisons d’un tel acte, car selon lui le prince était en droit de le faire8S. Il est probable que l’opinion publique du pays n’a pas été informée alors du motif d’une telle mesure, puisque l’auteur de la chronique moldavo-allemande explique la mise à mort d’Isaia par l’invraisemblable raison qu’il n’aurait pas éxecuté l’ordre du prince de couper la retraite de Mathyas Corvin après le combat de Baia en 146784. Pourtant Isaia demeura dans sa charge de « dvornik » quatre années encore après cet événement. Mais si les boïars ne jouissaient d’aucune faveur aux yeux du chroniqueur officiel, en échange il portait au premier plan les autres couches sociales. Nous ne savons pas au juste ce qu’étaient les « viteji » (chevaliers) nommés dans la chronique moldavo-allemande « Rittern ». Nous croyons qu’ils étaient des guerriers privilégiés du prince, élus tant parmi les boïars, comme aussi parmi les servants de cour, constituant une nouvelle noblesse crée par le prince qui s’appuyait sur elle dans la lutte avec l’ancienne classe des boïars. En tout cas, tous les historiens sont d’accord qu’il s’agit d’une catégorie à la dévotion du prince. Le chroniqueur officiel affirme à bon escient que c’est le prince Etienne qui crée ces «chevaliers»85. On est frappé d’un fait significatif. Lorsque la chronique officielle nomme dans une même phrase des boïars et des « chevaliers », ce sont ces derniers qui prennent le pas sur 79 Cronica lui §tefan cel Mare ed. par I. G h i t i m i a, p. 50 — 51. 80 I. Bogdan, Cronice inedite, p. 43—44. 81 Idem,, Lelopiseful lui Azarie, p. 150. 82 I. Neculce, Letopiseful (arii Moldovei, ed. par I. Iordan, Bucarest, 1955, p. 108. 83 I. Bogdan, Cronice inedite, p. 38. 84 Cronica lui §le(an cel Mare, ed. par. I. G h i t i m i a, p. 39—40. 85 Ibidem, p. 43. 166