mains ont pénétré dans l’oeuvre de Pouchkine 12 et se sont élevés ainsi jusqu’à ta sphère de la littérature universelle, tandis que des idées et de nouvelles suggestions détachées de l’atmosphère de l’époque se glissaient par la même voie, dans la culture roumaine au début du siècle dernier 13. Personne ne peut donc nier l’importance dont jouissaient les Balkans à l’époque romantique, pas plus que sa signification. Goethe, Byron, Mickiewicz, Pouchkine, Czajkowski et d’autres encore ont écouté la respiration artistique des peuples balcaniques et ont introduit dans la littérature universelle, les thèmes et les légendes de leur histoire et de leurs traditions populaires. L’histoire de Kirdjali en fait partie 14. II. QUI FUT KIRDJALI? Nous ne sommes évidemment pas partisans de la méthode de l'identification des créations artistiques. Car, si l’oeuvre-d’art naît bien de la vie, elle se développe et se détache malgré tout des contingences matérielles jusqu’à une certaine forme d’indépendance que l’impulsion artistique lui permet. Une recherche des sources serait donc dans le cas présent tout à fait inattendue. Mais étant donné qu’il ne s’agit pas ici d’une analyse de valeurs esthétiques, mais d’une étude de littérature comparée, on comprendra que, pour arriver à une clarification aussi complète que possible de ce thème, il convient d’insister aussi sur l’existence historique du héros, autour duquel s’est forgée la légende dont nous nous occupons. Et celà d’autant plus que toute une série de témoignages nous facilitent l’identification au moins générique de ce personnage. D’ailleurs, Pouchkine lui-même qui a introduit le nom de ce brigand dans la littérature universelle, le décrit comme un être ayant existé en chair et en os. C’est pourquoi nous allons essayer de détacher l’image de Kirdjali de l’atmosphère de l’époque à laquelle s’est formée la légende qui l’a rendu fameux. En effet, après la longue domination ottomane et phanariote, les pays balcaniques traversent, au cours des 3 premières décades du XlX-e siècle, une période d’agitation et de révoltes qui se soldent par l’instabilité, les maladies, la misère et le désespoir. Entre les Turcs et les Russes, les guerres ne discontinuent pas et elles ont lieu, comme d’habitude sur l’étendue du territoire roumain ,5. A cause de la pauvreté et des impôts, les habitants 12 Voir E. G a n e, Motive moldoveneçti In creafia poeticà a lui Puschin dans « Via(a Basarabiei », Kichinev, II (1933), no. 6, p. 297 — 307, no. 7, p. 381 —392. 13 E. Dvoicenco, Viafa lui Puschin in Rasarahia, Bucarest, 1937. Au sujet de l’exil de Pouchkine à Kichinev, il existe une foule de travaux que nous jugeons inutile de mentionner ici. On peut en établir très facilement la bibliographie. Pour l’éclaircissement des rapports existant entre l’œuvre du grand poète et la culture occidentale, on peut avoir recours aux contributions précieuses et substantielles parues à l’occasion de la commémoration du centenaire de la mort de Pouchkine (1937). Il s’agit tout d’abord du volume, «nyuiKUH», Moscou, (1939) et de la «Revue de Littérature comparée», Paris, 1937, no. II, dédiés en entier à ces problèmes. 14 La forme roumaine est Cârjaliu (L’accent tonique portant sur l’i). 15 L’état d’appauvrissement et l’absence totale de salubrité publique ont été notés l*ar les médecins qui accompagnaient les armees tzaristes au cours des guerres contre les 1 urcs. Il existe des informations intéressantes et instructives à cet égard. Voir S. Do- 109