En tant que slave ecclésiastique, il constitue une version ou un type à part, par ses moravismes, ses archaïsmes et les éléments locaux. Ces particularités forment une preuve inébranlable à l’appui de notre thèse. Nous ne nous arrêterons ici que sur quelque-unes de ces particularités, notamment sur les moravismes ; la structure complète et l’histoire de cette langue devant constituer l’objet d’une étude à part. Le slave ecclésiastique des Karpates contient de nombreux moravismes ou pannonismes, reconnus comme tels par des slavistes 119). Les recherches plus récentes dans ce domaine sont fondées sur les nouvelles méthodes de la géographie linguistique et de la linguistique sociale, comme par exemple les travaux des linguistes tchèques et de l’actif savant slovaque J. Stanislav. Néanmoins certains moravismes du slave karpatique n’ont pas encore été signalés. Les moravismes d’ordre phonétique révèlent l’époque depuis laquelle, on emploie cette langue. Ainsi par exemple la contraction « oje>e » qui a eu lieu en slovaque pendant la seconde moitié du Xe siècle, dobrojemu>dobrému; dobrajego>dobrego, et au XIIe siècle environ >dobrého; grçdyi >hrady. Les formes contractées sont courantes dans la langue religieuse des Slovaques gréco-catholiques. Dans cette langue le passage de g a h est général aussi. Il a eu lieu en slovaque pendant le premier tiers du XIIe siècle, bogü>boh, grobü>hrob = tombe-, nagü > nahÿ = vide, jgo > iho = joug; lukavajego > lukavago > lukavàho = fourbe 12°). Un moravisme manifeste est le passage de g à h dans les mots qui offrent aussi la métathèse des liquides: golva>glava>hlava, golgol>glagol>hlahol ; gordü>hrad. De telles formes ne peuvent s’expliquer dans le slave karpatique que par le slovaque. Dans la langue ukrainienne nous avons g>h, mais les liquides sont soumises à la pléophonie: holova, horod. G>h se retrouvent régulièrement aussi dans les mots qui contiennent r, l syllabiques sans voyelle d’appui comme dans le slovaque central: dlhy = long, hrdÿ = fier, hlboko m). Les Slovaques orientaux n’emploient ces formes que dans la langue de l’église. Dans la langue parlée ils ont, comme les Russes, les Ukrainiens et les Polonais, une voyelle d’appui auprès de r l: « dolhy, hordy, 119 P. J. ¿fafaïik, Über den Ursprung und die Heimat des Glagolitismus, Prague 1958, A. J. S o b o 1 e s k i j, UepKoeno-cjiaeHHCKue meKcmu Mopaecnoeo npoucxoxdenun — dans PyccK. 0ua. BecmHUK 3. C6opH.UK omdeA. pyccK. H3. u CAOeecn., Saint-Pétersbourg, 1910. M. Weingart, Ceskoslov. lyp. cirk. slovan(iny, Bratislava 1948, J. Stanislav. Dejiny, pp. 34 — 49; 51 et suiv. 107 et suiv. 112 et suiv. 207 — 232. Pour la bibliographie v. A. V. I s a c e n k o, Jazyk a pôvod frizinskych pamiatok, surtout pp. 48 — 55, J. Vais, K charakteristike ne j stars ich evang. rukopis staroslovënskÿch, « Byzantinoslavica ». V. 1933 — 1934, p. 113-118. 120 Le passage de g à h a eu lieu dans les langues slovaque, tchèque ukrainienne et serbe lusacienne supérieure, ainsi que dans le Slovène du nord-ouest. (J. Stanislav, ouvr. cité, p. 38) Pour g > h dans le slave karpatique cf. Chval'me boha, composé par P a v o 1 S p i ë a k < Ruzornberok, 1942 > et Molitvenik ili naboznyja molitvy i pisni dlja russkich lie, par Alex. Duchnoviô, cUzhorod, 1926 >. Ces livres sont encore en usage dans les églises des Slovaques, des Russes et des Ukrainiens de la RPR, par exemple à Pereg dans le district de Pecica, région de Timisoara. 121 Cf. MoAumeenuK ôah epeKOKam. pyccK. Hapoda, Preçov, 1944, pp. 62 — 63 Chval'me, pp. 224, 247. 189