tait encore en majeure partie qu’une population de citadins. On sait qu’elle a exercé une forte influence sur les Slaves, influence qui s’est manifestée également au point de vue linguistique. Cette influence s’est certainement exercée sur toute l’étendue du territoire mentionné, mais, comme l’a prouvé P.Skok («Archiv za arbanasku starinu, jezik i archeologiju », I, p. 12 et 25), la terminologie chrétienne slave d’origine latine provient surtout d’Aqui-lée. Ce fait est explicable: ce n’est que dans cette région qu’un contact direct eut lieu entre les Slaves et une Eglise bien organisée, dont ils pouvaient recevoir une terminologie religieuse. Dans le Norique et dans les parties septentrionales de la péninsule balkanique, la migration slave elle-même a eu comme suite une désorganisation de l’Eglise et là, l’influence latine sur les Slaves, au point de vue religieux, ne pouvait provenir que du peuple. L’influence dont nous parlons, en tant qu’étrangère au christianisme, a pu s’exercer sur tout le territoire où les Slaves sont venus en contact avec les Romains. Les termes dont nous parlons ici sont liés avec les croyances religieuses d’origine payenne de cette romanité, et peut-être même avec certaines pratiques de magie ou de médecine populaire. L’un de ces termes — lunâtik «somnambule» — nous le montre clairement. Selon une croyance populaire très ancienne, les somnambules sont soumis à l’influence de la lune. Cela s’explique évidemment par le fait que pendant leur marche inconsciente et surtout après être montés sur une maison ou sur un arbre, les somnambules se dirigent vers la lune (voir à titre d’exemple Le Troubadour de l’écrivain roumain B. Stefânescu-Delavrancea). La lune était d’ailleurs considérée alors comme une divinité, et, comme telle, identifiee avec Diane. Cette identification, qui se retrouve même dans certaines inscriptions latines, a été mise en évidence, même par un esprit aussi fantastique que N. Densuçianu, dans son livre Dacia preistoricâ, p. 111. Ainsi s’explique pourquoi un autre terme signifiant lui aussi « somnambule », dianaticus, et d’où provient le mot roumain zânatic (« fou », mentalement débile») est dérivé lui aussi, comme on l’a dit depuis longtemps, du mot Diana. Nous croyons qu’il serait plus plausible de faire deriver le mot latin populaire dianaticus, du mot latin Diana, plutôt que de faire dériver le mot roumain zânatic de zînâ «fée», comme le font certains dictionnaires. Car, même si le mot roumain zînâ vient du mot Diana—, et c’est l’hypothèse la plus plausible, — il est évident que le terme en question a été créé d’après le modèle déjà existant luna—lunaticuset que cette analogie pouvait se produire plus facilement lorsque Diane était identifiée à la lune — tandis que les zîne ne le sont pas. Ainsi donc le terme lunâtik a pénétré chez les Slaves grâce à cet ensemble de faits et il en est certainement de même pour le terme lunà « lune ». Une pareille influence exercée sur les Slaves par les populations romanes du Moyen et du Bas-Danube, ainsi que par celles de la péninsule des Balkans, ne doit pas nous sembler insolite. V. Plrvan (Contribuai epigrafice la istoria crestinismului daco-roman, Bucarest, 1911, p. 122 8, et Getica, pp.163, 640, 739, 744 et 803) a déjà prouvé que Diane avait acquis un grand rôle dans la religion des peuples romanisés du Bas-Danube, où elle s’est probablement superposée à un culte plus ancien, selon Pîrvan celui 5 A la page 123 de cette étude, Pîrvan oublie que dianaticus voulait dire « somnambule » et il croit que le sens « d’homme sans intelligence, hors de lui-même » s’explique par le sens que lui attribuaient les communautés chrétiennes, pour lesquels les adorateurs de Diane étaient des fous. 48