série de vieilles chansons populaires. C’est ainsi que les ballades serbes sont arrivées à la connaissance des écrivains allemands qui se sont empressés d’en traduire quelques-unes dans leur langue. Entre autres, Ilerder traduit une ballade sur «Milog Kobilich »6, tandis que Goethe transpose, tout comme Herder, dans sa langue, la ballade bien connue, intitulée: «La complainte de la femme d’Assan-Aga »7. Désormais, la voie vers la poésie littéraire est ouverte et on peut parler, au début du XIXe siècle, d’une pénétration sensible de l’épique serbe dans la littérature européenne8. Les poètes romantiques traduisent, pastichent et transforment en créations nouvelles d’une fraîcheur bucolique, poussée jusqu’à la subtile mystification de Prosper Mérimée, une bonne partie de la richesse des ballades serbes. Et c’esl ainsi que par l’intermédiaire de la chanson populaire, parcourue de vibrations profondes, le monde européen apprend l’histoire tourmentée d’un peuple petit mais guerrier. Et au fur et à mesure de la mise au jour de nouvelles enquêtes et de la publication de nouveaux recueils folkloriques, l’intérêt pour l’histoire et la culture des Slaves du Sud augmente. Une autre circonstance, mais d’une tout autre nature, est en liaison directe avec le mouvement des idées romantiques. C’est sans conteste le réveil de la conscience nationale, une des idées les plus vivifiantes du commencemenl du XlX-e siècle, aux idée racines profondes et qui a transformé la structure sociale de l’Europe. Le problème de la liberté et de l’indépendance des na tions devient une idée tout aussi précieuse que la liberté individuelle. Parmi les peuples dominés par les Turcs, les Grecs furent les premiers dont le sort attendrit l’opinion publique européenne. A une époque suffisamment avancée, ils vivaient encore auréolés du nimbe de l’Antiquité et leur sort paraissait un véritable martyre. Quelque chose comme un remords subsistait dans l’atmosphère de l’Europe romantique envers une nation qui avait doté le monde, d’un tel rayonnement de pensée. C’est pourquoi le monde civilisé considérait qu’il avait le devoir de restituer sous une autre forme la contribution du génie grec à la solution des grands problèmes de l’existence. Des traductions des anciens textes helléniques commencent partout à prendre place aux côtés du lirisme anacréontique de l’Occident et un intérêt scientifique évident ¡s,e manifeste envers la civilisation et la culture grecques. L’enthousiasme provoqué par cette cause resserre les rangs des révolutionnaires du mouvement de libération et les poètes grisés par un noble élan, s’enrôlent et meurent pour la libération de la Grèce moderne (tel Byron á Missolonghi en 1824). Enfin, une troisième phase, datant de la même époque, et intimement liée au présent ouvrage, se concrétise dans la présence de Pouchkine à Kichinev. On connaît maintenant jusque dans les plus infimes détails, la manière dont * Ibidem, p. 110 — 116. 7 M. Mu r k o, Domovina Asanaginice, clans « Goethùv Sbornik » Prague, 1931, |>. 252 — 266. Cf. aussi M. C i u r c i n, Das serbische Volkslied in der deutschen L itérât ur, l.eipzig, 1905. 8 M. Markovitch, La dette du romantisme à la poésie populaire yougoslave, dans “Helicón*, 1938, I, p. 259 — 269 et du même auteur, ílyuiKUH, MepuMe u nauia Hapdua noe3uja dans «Prilozi za poucavanje narodne poezije», Belgrad, 1937, No. 1, p. 60 — 87. Pour la litt. polonaise, cf. le travail de K. Georgievic, CprictioxpeamcKo napodha necMa y HOAbcKoj KHbUOKeeHOcmu, Belgrad, 1936. Voir aussi Jovan S k e r 1 i c, pam\ycKU POManmmapu u cpncua napodua noeauja, Mostar, 1908. 107