Si l’on tient compte du fait que le texte de la «PsaltireaScheianâ » remonte au XVI-e siècle au plus tard selon les avis les plus autorisés u, la conclusion qui se dégage du tableau ci-drssus est évidente : au fur et à mesure que le mot meserére vieillit, celui de milâ devient de plus en plus fréquent. Conservé encore dans l’édition du Psautier de 1588 (2 exemples seulement pour les 60 premiers psaumes), meserere ne se rencontre plus dans celui du métropolite Dosithée qui est plus récent de près d’une siècle. Autrement dit, du temps de Coresi déjà, le terme avait vieilli ; c’était presque un archaïsme. A la lumière de ce résultat, l’étonnement du lecteur de la Vie de Saint Niphon telle qu’elle est insérée dans le « Letopisetul Cantacuzinesc » est des plus justifiés. Il se demande en toute logique comment ce vocable a pu s’y faufiler à la place du répons liturgique, slavon I\'ciio,v,h iiomhaSh ou, à la rigueur, de son équivalent roumain Doamne milueste (= Seigneur, aie pitié). Une réponse vient à l’esprit, c’est que le compilateur de la chronique en question a pu disposer d’une traduction remontant au XVI-e siècle ou tout au début du XVII-e siècle et qu’il aura respecté le terme qui s’y trouvait employé12. Mais là n’est point le problème qui fait l’objet de la présente note. Comme nous l’avons dit, le mot meserére bien que condamné à disparaître, était encore au XVI-e siècle très compréhensible. Sa fréquence le prouve. A la famille de ce substantif, mais avec rupture d’étymologie, se rattachent l’adjectif mcser et le verbe a meseri. Dans trois psaumes de la Psaltirea Scheianâ on retrouve le verbe a meseri13. Il traduit le slave okkhhiiit..th. Chose curieuse, il peut avoir un sens tantôt transitif (appauvrir), par exemple Domnut mesereste si bogâfeste1* : le Seigneur appauvrit et enrichit, tantôt intransitif : Bogatii meserirâ si flâmândzirâ : les riches sont devenus malheureux et affamés (Psaume XXXIII, v. 11). Enfin, on rencontre un grand nombre de fois dans la « Psaltirea Scheianâ »15 l’adjectif mêser : malheureux, pauvre, employé comme substantif, par exemple au verset 7 du même psaume : mèserul chiemâ si Domnul auzi el, le malheureux appela et le Seigneur l’entendit (oûtoç ô izzo^y^bç èxéxpa^e, y.ai ô KtiptOÇ eiCTTjXOUOSV aUTOU). Etymologiquement meser < lat. miser et le verbe a meseri est un dérivé formé sur cet adjectif. Tiktin dérive le substantif meserére du latin miserere et observe que le maintien de l’infinitif employé comme substantif est hautement surprenant (« hôchst auffallend » 16). 11 On consultera en dernière analyse Al. Rosetti, Limba romlnâ In secolele al XlII-lea — al XVI-lea, Bucarest, 1956, p. 190 — 204. L’auteur n’a pas eu connaissance toutefois (du reste sans nul dommage pour sa démonstration) d’un second article de M. § e s a n, Simbolul din Psaltirea Çcheianâ, dans le volume Prinos tnchinat Inalt Prea S/intitulai Nicodim Patriarhul Romdniei . . ., Bucarest, 1946, p. 230—235. 12 Supra, note 8. 13 Cf. I. A. C a n d r e a, vol. cit., glossaire. 14 Id., vol. cit., p. 319, v. 7 (Prière d’Anne, mère de Samuel). 16 Cf. le glossaire de l’édition citée de C a n d r e a. 16 H. Tiktin, Rumanisch — deutsches Worterbuch (s. v. meserere); O. Densusianu, vol. cit., p. 60, 498, 567; Al. Rosetti, op. cit., p. 179. Notons qu’au XVII-e siècle le mot avait passé du sens de «pitié, miséricorde», à celui de * grâce, faveur, dignité» — (cf. en 202