kine dans le Sud-Ouest de la Russie, a mis en lumière un argument « ex silen-tio » dont la valeur augmente le mystère autour de Kirdjali. On sait qu’il existe encore d’autres auteurs russes qui, quoique ayant vécu à la même époque et dans cette même province d’au-delà du Prouth, n’ont toutefois rien écrit des exploits d’un brigand de ce nom. Nous avons rappelé plus haut que Philippe Ph. Vigel a décrit le combat de Sculeni ainsi que la visite faite à Navrockij, le chef des quarantaines russes du bord du Prouth, et qu’il s’est occupé tout particulièrement du danger représenté par les haïdouks et les brigands qui fourmillaient alors dans les forêts de cette région. Mais il ne dit pas un mot de Kirdjali 47. A.F. Veltman parle lui aussi dans ses mémoires des soulèvements de Vala-chie dirigés par Tudor Vladimirescu et du rôle de ces révoltes ; mais on n’y trouve rien qui touche au héros de Pouchkine 48. Les notes de ces deux contemporains de Pouchkine auraient sans aucun doute renforcé notre documentation sur le sort de Kirdjali. Mais le fait qu’il n’y est pas question de lui, ne prouve pas que des légendes ne circulaient pas à cette époque dans cette région sur les exploits de ce brigand. Leur absence constitue une preuve évidente que ce qui était à même de séduire le romantique Pouchkine, ne présentait pas la moindre importance pour Veltman et Vigel. Des récits sur Kirdjali pouvaient sans aucun doute circuler dans tout le territoire où il opérait. Le peu de différence existant entre eux ressort aussi du fait qu’on retrouve à peu de chose près tous les épisodes du récit de Pouchkine dans les pages des auteurs français cités plus haut. Vaillant lui-même apprend les exploits de Kirdjali de la bouche même du sluger Anghelescu ; quant à la scène de l’évasion on la trouve aussi bien dans Vaillant que dans Ubicini et St. Béllanger, mais beaucoup plus détaillée et plus dialoguée dans Vaillant, que dans Pouchkine 49, exception faite de la description du transfert de Kirdjali à Jassy (épisode 5), que l’on ne trouve pas dans les auteurs français. Il s’agit, il est vrai, d’une scène locale restée en dehors des légendes, et qui ne pouvait être racontée d’une façon aussi pittoresque que par un témoin oculaire. Certains des détails existants trahissent aussi le caractère légendaire des exploits connus de la vie de Kirdjali, comme par exemple, son origine. On ne la croirait vraiment connue que par les raconteurs. D’aucuns le présentent comme étant Bulgare (Pouchkine, Inzov, Liprandi), d’autres comme Vaillant, Rég-nault, Ubicini le font Albanais ou même Moldave comme Selinov. La révolte hétairiste elle-même est confondue avec une révolte moldave (Selinov, Bartenev)50 Tout en conservant les éléments de Leks qu’il a fait entrer dans les épisodes 5 et 6, Pouchkine a eu à sa portée, pendant toute la durée de son exil, d’autres sources aussi. La société de Kichinev était trop peu nombreuse et le poète russe trop connu pour n’avoir pas eu connaissance de ce qu’on y racontait alors. D’autre part, cette contrée de son exil a été pendant longtemps le point de passage qui reliait l’empire tzariste aux pays dominés par l’empire ottoman. 47 F. F. Vigel, ouvr. cité. 48 BeccapaôcKan eocnoMunanuH A.