Moldavie, mais contre cette chrétienté invoquée par l’auteur avec le sens collectif indiqué plus haut09. De l’analyse attentive de la politique d’Etienne le Grand au cours de son règne si long il résulte qu’il fut en réalité un souverain clairvoyant défendant l’indépendance de son pays, non seulement contre les turcs, mais aussi contre les polonais et les hongrois. Il n’était pas un croisé, mais un monarque autoritaire comme Ivan III de Moscovie ou Louis XI de France, ses contemporains. Pourtant la lutte contre les forces démesurées de l’empire turc qui menaçaient toute l’Europe, à mesure que cette lutte se développe, acquert un sens plus général dans la pensée politique des gouvernants de la Moldavie. Ceux-ci avec leur prince en tête se considéraient les instruments de la volonté divine pour la défense de la chrétienté entière: luttant pour eux mêmes, ils luttaient pour tous. Des ces considérations ressort le point de vue de la chronique. Ce point de vue de la solidarité chrétienne ayant en tête la Moldavie et son prince est encore accentué dans la chronique moldave pour accroître d’autant, le prestige du prince vis à vis des féodaux et le présenter comme un souverain d’une autre essence que celle des princes ses prédécesseurs. Quant à la Valachie, la politique d’Etienne le Grand vis à vis de ce pays voisin est caractérisée par la chronique en des termes indiquant des relations de nature féodale. Les valaques ayant porté secours aux turcs sont traités de « hicleani », ce qui correspond à l’expression latine de perfidi, c’est à dire ceux qui ont faussé la foi de leur serment d’hommage. Les princes de Valachie installés sur le trône par Etienne le Grand sont considérés par lui comme ses vassaux, ce que le chroniquer exprime très clairement en parlant de Vlad le Moine (1482—1495) à qui le prince Etienne « a permis » de régner sur la Valachie, « mais il s’est rendu coupable de trahison à l’égard de son maître » (c’est à dire du voévode moldave) « parce qu’il a fourni son aide aux turcs»70. Nous nous trouvons ici devant toute une conception politique: Etienne en lutte avec les turcs n’est pas seulement le prince de Moldavie, car il dirige tout un système d’états liés à lui par les liens de la vassalité. Mais d’un intérêt égal aux faits- soulignés par la chronique sont aussi ceux omis à bon escient par cellc-ci. On sait que dans le courant de son long règne, et notamment au commencement et à la fin, le voévode Etienne a payé tribut aux turcs, mais la chronique n’en souffle mot, quoique le payement du tribut par Pierre Aron, le prédécesseur du voévode Etienne, est un fait reconnu par la chronique de Poutna71. La chroniqueur passe sous silence même l’hommage fait par Etienne à la Pologne, comme aussi à la Hongrie. La chronique dans la version de Poutna dit en effet qu’en 1485 la voévode Etienne s’en fut vers le roi de Pologne et s’abouche avec lui à Colomeia, mais c’est tout, il n’est question que d’une simple entrevue72. Certains insuccès partiels du voévode Etienne, certaines circonstances critiques pour lui, que nous apprennons de la chronique moldavo-allemande, amplifiée par un 69 Ibidem, p. 41—42. 70 Ibidem, p. 42. 71 I. Bogdan, Lelopiseful lui Azarie, p. 147. 72 Ibidem, p. 150. 164