les autres, en tant que plus importants. Au grand banquet féodal de 1475 qui eut lieu après la bataille de Vaslui « Etienne fit alors un grand festin pour ses métropolites et ses chevaliers et tous ses boïars, du plus grand au plus petit» 86. Ainsi donc on nomme d’abord les métropolites, puis les chevaliers et en dernier les boïars. A la bataille de Valea Albà (1476), rapporte la chronique officielle, «tombèrent les bons chevaliers, les grands boïars, les bons et jeunes guerriers », donc ici aussi on retrouve le même ordre dans lequel les chevaliers précèdent les boïars87. Après le combat de la forêt de Cosmin (1497), relate le chroniqueur, le prince ordonna « à tous les chevaliers et (à tous les) boïars de se rassembler à Hîrlâu »88. Il est clair que l’auteur de la chronique mentionne à bon escient les fidèles du voévode avant les boïars, en tant que plus importants par le rang, les mérites et la considération. La chronique officielle mentionne aussi d’autres hommes appartenant à d’autres catégories sociales, sur l’appui desquels comptait le prince: à deux reprises il est question des hussars, troupe de volontaires à la disposition du prince, ne reçevant pas de solde et payée uniquement du butin pris à l’ennemi. A ceux-ci le chroniqueur réserve des qualificatifs élogieux: «jeunes et vaillants hussars » « intrépides hussars »89. Remarquons que sous la plume de ce chroniqueur les hussars, de même que les chevaliers et les guerriers, sont « bons », « vaillants », « braves », « choisis», seuls les boiars n’obtiennent jamais des qualificatifs. Les citadins figurent également dans la chronique. Ainsi Etienne demeura trois jours à Chilia où il « console les gens (liudi) de la cité et les instruit à bien défendre la cité »90. La défense de la cité se fondait en premier lieu, selon l’opinion du chroniqueur et sûrement aussi celle du voévode de Moldavie, sur les citadins que le prince essaye de gagner à sa cause. Il est clair que tous ces éléments indiquent une certaine attitude de la chronique à l’égard des couches sociales: chacun des faits mentionnés ici pris à part pourrait passer pour être dû au hasard, mais réunis ensemble ils nous révèlent l’attitude du voévode. Donc il ressort de la lecture de la chronique officielle que le voévode Etienne n’était pas manifestement hostile aux boïars dans leur ensemble, comme classe sociale pourvue de terres et privilèges et dont l’appui lui était nécessaire, mais d’un autre côté il dirige ses coups contre les boïars « méchants » et compte sur les chevaliers, les hussars, les citadins. Les boïars fidèles conservent leurs privilèges, mais ils ne doivent pas se considérer les égaux du prince, mais se tenir à distance sous son autorité à lui, qui est l’élu de Dieu. Les justes, il les récompense, ceux qui ne le servent pas avec la fidélité du lien féodal il les frappe, tous sont là sous sa main. Tel est l’enseignement de la chronique d’Etienne le Grand. On pourrait soulever à l’encontre de cette conception sur la chronique officielle représentant le point de vue de la cour princière au temps d’Etienne le Grand, l’objection que dans ce texte slave on ne fait nulle mention des 86 Ibidem, p. 41. 87 Ibidem, p. 41. 88 Ibidem, p. 41. 89 Ibidem, p. 41. 90 Ibidem, p. 37 167