en 1415 en Pologne où ils pratiquaient leur art, tantôt dans leur langue, tantôt dans celle de l’endroit où ils se trouvaient3, chantant les prouesses de leur race et par la suite également les actions de valeur locale i. De pareils guzlars n’avaient bien entendu pas évité la Moldavie. Aussi l’apparition de l’un d’eux, un certain Georges « srbin i pevac» dans le document 8 émis par le voïvode Pierre Aron le 11 octobre 1454, doit être considérée comme l’attestation due au hasard, d’une réalité similaire à celle de la Pologne. La nature de la forme poétique, qui n’est pas une chanson d’amour comme le croyait Hasdeu, mais bien comme nous en aurons la preuve en l’analysant, le récit épique d’un événement réel (1465) qui eut lieu moins de dix ans après l’apparition d’un guzlar à la cour princière de Moldavie — ne nous permet pas de détacher sa génèse de la circulation de la poésie en langue sud-slave dans les principautés roumaines6. En d’autres termes, cette ballade fait partie, tout comme les noëls bulgares concernant le voïvode Dan II, et les bugarstitcas de Jankula voivod7, de la poétique slavo-roumaine, manifestations littéraires orales propres au genre de vie féodale, qui avait unifié du point du vue culturel le monde danubien au seuil du XVe siècle 8. Devant ces thèses, que des documentations ultérieurs rendront évidentes, il est clair que les problèmes soulevés par ce chant doivent être étudiés dans la perspective de la civilisation slavo-roumaine, dans laquelle s’encadre aussi la poétique orale, civilisation qui atteignit des l’époque d’Étienne le Grand son apogée moldave. Tandis qu’au sud du Danube l’activité guerrière et libératrice momentanée d’un Dan II (1421—1431) et d’un Jean de Hunedoara (1433—1456) provoquait non seulement des révoltes locales, mais apportait également le renom épique de ces deux Roumains, renom qui les a assimilés poétiquement au monde de la poésie sud-slave9, naissait dans les Principautés roumaines, à côté de la circu lation de la poésie épique de langue slave, une autre forme de l’unité de vie créée au seuil du XVe siècle sur le Danube serbo-bulgaro-roumain : la littérature écrite slavo-roumaine. L’activité artistique des copistes moldaves des monastères de Neamtz et de Putna, qui étaient les principaux centres de développement de la littérature slavo-roumaine et d’où est sorti ce qu’on appelle l’isvod moldovenesc 3 Cf. au sujet de l'activité des guzlars serbes en plusieurs langues notre étude inédite concernant « La genèse et la technique de la poésie épique orale sud slave », à paraître dans la revue de l’Association des slavistes roumains. 4 « Arhiv für slavische Philologie », XXIX (1907), p. 231. 6 Cf. M. C o s t à c h e s c u, Documentcle moldoveneçü tnainte de ÿtefan cel Mare. Iassy, 1932, p. 513, 4, document no. 136. 6 Nous avons consacré à cette circulation, admise jadis comme une réalité historique hypothétique par N. I o r g a (cf. Istoria literaturi romîne, introducere sinleticà. Bucarest 1929, p. 20), une partie de notre étude intitulée Poetica slavo-rominâ, § 3, à paraître dans « Studii çi materiale de istorie medie », 3. 7 Cf. notre ouvrage inédit, Clntecul Bâtrtnesc, chap. VII, 2, et l’étude citée à la note précédente. 8 Ibidem, chap. VIII, 4. 9 Ibidem, chap. VII, VIII. 14’ 211