LOCUL LUI IOAN BOGDAN IN ÇTIINJA ROMÂNEASCÀ 23 ancien disciple:«. . .Bucarest peut être fier, écrivait-il le 16 décembre 1891, de posséder maintenant un représentant de la philologie slave que peuvent lui envier maintes universités autrichiennes, et surtout hongroises.. . » 1. Ioan Bogdan fut — déclare ce savant — « mon ami cher et fidèle» 2. Du reste, eu 1910, Jagic mentionne dans sa célèbre Histoire de la philologie slave, au nombre des chaires d’études slaves des pays non-slaves qui se sont affirmées sur le plan scientifique, celle de Bucarest, illustrée par I. Bogdan, et celle de Jassy, à laquelle avait été nommé un élève de ce dernier, Ilie Bàrbulescu 3. Il faut citer, comme un témoignage de l’éstime particulière dont Ioan Bogdan jouissait à l’étranger, le fait qu’il fut élu membre correspondent de diverses sociétés scientifiques des pays slaves, comme par exemple l’Academie Serbe et la Société d’histoire et antiquités russes de l’Université de Moscou. L’explication de la réputation du jeune slaviste roumain, aussi bien dans son pays qu’à l’étranger, réside dans le fait que dès le début de sa carrière, Ioan Bogdan promettait, en raison de son esprit éveillé, de sa passion de la recherche, de l’objectivité et de la probité scientifique dont il fit preuve dèpuis ses premiers travaux, de contribuer aux efforts faits en Roumanie, à la fin du siècle dernier, « pour que la science historique roumaine sorte . . . de la phase romantique de l’enfance», comme il s’exprima lui-même dans la leçon d’ouverture de son cours à l’Université de Bucarest (1891) 4. Dès qu’il eut achevé ses études universitaires, et à la suite de l’exemple et des suggestions de B. P. Hasdeu, Ioan Bogdan se rendit compte que la science historique roumaine ne pouvait plus négliger les témoignages relatifs à notre passé que renfermaient les sources slaves. Après avoir étudié à fond avec des professeurs de la taille d’un Yatroslav Jagic (Vienne), d’un F. F. Fortu-natov (Moscou) et d’autres encore à Petersbourg, à Cracovie, à Lvov et à Prague, Ioan Bogdan commence la série de ses découvertes« massives»,« sensationnelles» de textes slaves originaux, écrits en partie par des Roumains et concernant l’histoire des Pays Roumains. Il faut souligner toutefois que ces découvertes ne se firent pas au hasard. Ioan Bogdan consulta pour cela avec beaucoup d’assiduité les catalogues des archives et des bibliothèques étrangères, il examina sans relâche de nombreux fonds roumains et étrangers, il voyagea spécialement dans les villes possédant de riches archives (Kiev, Moscou, Prague, Lvov, Cracovie) où il espérait découvrir des textes et des documents concernant notre passé. Mais, outre le mérite d’avoir su, au prix de bien des efforts, découvrir des textes et des documents d’une valeur immense pour l’historiographie roumaine, Ioan Bogdan s’est acquis une réputation internationale comme éditeur, commentateur et traducteur des textes et documents slaves, accompagnés bien des fois de beaux albums paléographiques. On connaît les appréciations pleines d’éloges et d’admiration avec lesquelles accueillirent ces publications nos spécialistes et les savants étrangers tels que N. Iorga, C. Jirecek, V. Jagîc, L. Miletic, A. I. Jacimirskij, etc. Ce dernier avoue même le sentiment de jalousie qu’il éprouve et son regret que les Slaves n’aient pas réussi jusqu’alors à faire quelque chose de semblable pour les documents sud-slaves et russes 6. Le commentaire des textes et des documents édités ainsi que l’interpretation historique des informations qu’ils renfermaient permirent à notre grand slaviste de faire la preuve de la plus grande objectivité et d’un scrupule extrême, de ne pas se laisser influencé par des considérations d’ordre sentimental. Déjà dans son cours d’ouverture à la Faculté de Philosophie et Lettres de Bucarest en 1891, Ioan Bogdan formule comme suit le devoir de la science historique roumaine dans le domaine de laquelle il était appelé à déployer son activité : « ne chercher partout que la seule vérité» 6. Aujourd’hui ce principe nous semble fondamental et naturel dans toute recherche scientifique. Mais à l’époque où Ioan Bogdan commençait son activité, époque où persistaient encore certaines des exagérations de la fantaisie romantique ce principe, avait besoin d’être recommandé catégoriquement et courageusement. Notre grand historien et philologue ne s’eu écarta pas un seul instant au cours de sa prodigieuse activité scientifique et didactique, dénonçant les faux, combattant les exagérations chauvines, dès qu’ils se manifestaient. Il habitua ses élèves et l’opinion publique roumaine de l’éoque à ne pas mépriser la culture des peuples slaves voisins, à reconnaître ce que le peuple roumain avait emprunté aux Slaves dans sa langue et sa civilisation matérielle et spirituelle, mais aussi à reconnaître ce que les Slaves devaient aux Roumains. En revanche, Ioan Bogdan s’élève fermement et avec autorité contre les opinions exagérées de certains érudits slaves qui soutenaient que l’on avait parlé slave dans les Pays Roumains jusqu’à la fin du XVII-ème siècle. 1 Apud I. L u p a loan Bogdan in lumina unor fragmente din corespondenfa sa, dans «Analele Academiei Romane», Mem. Sec*. ist., seria III, tom. XXVII, 1944-1945, p. 156. *« Archiv fur slavische Philologie», XXXVII, 1920, p. 555. 8 Hcmopun cAaexHCKoü (fiu/io/iozuu (SmjUKnoneduH cnaenncKoü $unojiozuu, N° 1), St. Pb., 1910, p. 880. 4 Insemnátatea studiilor slave pentru rom&ni, Bucurefti, 1894. p. 39. 6 Apud P. P. Panaitescu, loan Bogdan, dans« Buletinul Comisiei istorice a Romaniei», vol. VII, 1928, p. X» 6 Insemnátatea studiilor slave. .., p. 39.