rique. En prenant cela comme point de départ, certains érudits ont supposé à la base du roman un substratum historique ; d’autres ont établi — comme nous l’avons déjà dit plus haut — des relations entre cette histoire et divers textes bibliques ou apocryphes. D’autre part bien des spécialistes ont considéré et considèrent encore que le roman a laissé de nombreuses traces dans le folklore des peuples. Sans sous-estimer le rôle joué par les textes en général et les livres populaires spécialement dans la diffusion des éléments folkloriques, il faut observer également et surtout le phénomène inverse: le folklore comme source d’éléments créateurs pour les œuvres écrites, en premier lieu pour celles de type populaire. Les mêmes éléments se retrouvent dans tant d’œuvres écrites, qu’il est normal de conclure qu’à l’origine, la plupart d’entre eux ont existé à l’état folklorique et qu’ils ont pénétré de ce substratum, indépendamment les uns des autres, dans les œuvres en question. Par exemple, l’épisode du sage vieillard condamné à mort par son ingrat pupille et caché pour être sauvé, de même que le voyage en Egypte pour élever une forteresse, qui ne soit ni au ciel ni sur terre, se retrouvent aussi — nous l’avons déjà dit — dans la Vie d'Ésope, ce qui a conduit à la conclusion que Y Histoire d'Ahikar aurait été englobée dans la biographie d’Ésope x; on est allé encore plus loin, et l’on a affirmé que les fables d’Ésope ont leur origine dans les fables du roman d’Ahikar 2. Én réalité VHistoire d'Ahikar, très probablement, n’a pas circulé en grec, d’autre part les épisodes cités contiennent dans les deux ouvrages beaucoup d’éléments de différenciation ; de plus, l’histoire assyrienne contient aussi d’autres motifs, qui auraient pu entrer dans la structure du roman d’Ésope, s’il eût été question d’une relation directe. L'Histoire d'Ahikar n’est pas sortie de la pure fantaisie d’un auteur. Son auteur anonyme a employé toute une série de motifs préexistants qu’il a réunis et ordonnés. Les points de soudure de l’ensemble sont visibles. A une étude attentive, on observe que cette oeuvre existe avec des variantes semblables à celles que compte la création folklorique. Ainsi dans La vie d'Ésope on trouve une variante de la légende d’Ahikar. Dans cette variante le vieux dignitaire ne châtie pas l’ingrat et ne lui raconte pas à chaque coup une fable ; au contraire, il lui pardonne et lui donne des conseils sous forme de maximes et de proverbes après avoir connu son ingratitude, et non avant comme dans l'Histoire d'Ahikar3. Le papyrus découvert à Éléphantine contient une autre variante de l’histoire dont la narration a une autre structure (entre autres le voyage en Egypte y manque). De même, des variantes de l'Histoire d'Ahikar se trouvent dans certaines rédactions des Mille et une 1 B. MEISSNER, Das Märchen vom Weisen Achiquar, Leipzig, 1917; TH. NOEL-DEGKE, Untersuchungen zu Achiquar-Roman, Berlin, 1913. 2 RUDOLF SMEND, Alter und Herkunft des Achikar-Roman und sein Verhältnis zu Aesop, dans « Zeitschrift für die alttestamentliche Wissenschaft » (Giessen), XIII (1908), p. 55—125. 3 Cette structure s’est conservée dans des rédactions dérivées suivant différentes voies de l’original grec; voir, par exemple, BIERNAT Z LUBLINA,Opisanie krôtkie zywota Ezopowego, dans Wybor pism, édition J. Ziomek, Wroclaw, 1954, p. 85—102; la traduction roumaine Viafaçi pildele preainteleptului Esop, Ile édition I. C. Chitimia, Bucarest, 1958, p. 81—93. D’ailleurs cette variante contient dans sa structure, des fables, comme celle du chat ignominieusement traîné dans les rues au vu des Égyptiens scandalisés, que VHistoire d'Ahikar ignore. 27 — 0. 650 417