témoignages occidentaux, cite certains fragments de chants, qui nous permettent de supposer qu’il a existé autrefois aussi chez ces peuples de l’ancienne zone celtique des chants sur ce thème *. D’ailleurs K. Schladebach cite à son tour un chant de ce genre se rapportant au pont de Merseburg 2. Par l’évolution propre à l’art épique des peuples occidentaux, ces chants se sont dégradés peu à peu et il n’en existe plus que d’insignifiants fragments en prose parvenus jusqu’à nous. Tous les témoignages occidentaux parlent pourtant de l’immolation de l’enfant, tandis que les chants balkaniques ne parlent que du sacrifice de l’épouse. On est donc tenté de supposer, sur la base des données existentes, que le thème a été autrefois répandu dans toute l’Europe et — comme c’est le cas pour la ballade Lenore — il a existé dans les deux zones — Europe occidentale et Peninsule Balkanique — deux types, le type de l’immolation de l’enfant et le type de l’immolation de l’épouse. En tenant compte des données ethnographiques relatives aux rites de construction qui mentionnent l’immolation d’enfants, mais ne citent jamais l’immolation de l’épouse, nous pouvons supposer que le type occidental est plus ancien, tandis que le type balkanique ne serait qu’une réalisation littéraire éloignée des anciens rites et croyances. S. Stefanovié a démontré que les deux types existent dans le folklore yougoslave. Dans les variantes croates, on parle d’immolation d’enfants et même dans les variantes serbes l’existence de Stojan et de Stojana prouvent une interférence avec le type occidental. Donc, sous cet aspect, le folklore yougoslave constitue la zone de contact des deux types. Toutefois, on a vu que l’idée thématique de base des anciennes variantes, exécutées à la manière de « colinde », du centre, du nord et de l’ouest de la Transylvanie, est la sollicitude témoignée à l’enfant resté orphelin, comme c’est, du reste, aussi, le cas pour les variantes magyares et albanaises. De ce fait elles se situent en relation immédiate avec les types yougoslaves et par leur entremise avec les types occidentaux disparus de nos jours. Comme cela arrive dans tant d’autres moments de la culture populaire, le peuple roumain, ainsi que les autres peuples de la zone d’interférence, réalisa de cette manière une synthèse culturelle entre l’Orient et l’Occident. Dans le folklore roumain la synthèse a lieu non seulement par la fusion des deux thèmes en une nouvelle forme propre au peuple roumain, mais aussi par le développement progressif de cette forme des plus anciennes réalisations jusqu’aux variantes classiques créées en un moment de grand épanouissement culturel. C’est pendant ce moment de renaissance spirituelle qu’a eu lieu le saut qualitatif qui a fait évoluer la forme du thème à puissantes réminiscences superstitieuses au mythe de grande valeur esthétique et humaine de l’artiste-héros, prêt à tout sacrifier pour la réalisation de son idéal artistique. 1 G. COCCHIARA, ibidem, p. 105—108. » K. SCHLADEBACH, ibidem, p. 118.