prototype du chant et l’auraient répandu, au cours de leurs pérégrinations, parmi tous les peuples de cette zone 1. L’opinion de P. Skok ne réussit pas à s’imposer mais elle eut le mérite d’avoir fait entrevoir la possibilité de l’adoption effective de ce chant à un certain moment par les maçons, comme un chant de corporation ; par conséquent, les « gogii » — les maçons arou-mains — auraient contribué de la sorte à sa diffusion. Les recherches que nous nous sommes permis de brièvement rappeler, se sont fondées généralement sur les principes de la comparaison historique-génétique, et partant des ressemblances, ont essayé à établir les. influences et les emprunts. Ces recherches ont été effectuées selon la méthode historique-littéraire, propre à comparer des formes finies, des textes définitifs. Elles ont négligé, généralement, la multitude de facteurs qui conditionnent la création populaire vivante, les modes propres d’apparition et de circulation des créations orales, la signification des variantes dans le processus historique d’évolution du sujet chez les différents peuples. D’autre part, les hypothèses relatives à l’origine du chant ont été généralement fondées sur la monogénèse. Prenant comme point de départ l’idée que la légende du sacrifice de l’emmurement est un bien commun à tous les pays balkaniques, S. Stefa-novié abandonne en 1931 les voies suivies jusqu’à cette date et émit l’hypothèse que chaque peuple aurait pu créer ses propres chants en s’inspirant de cette légende commune 2. La perspective de la polygénèse ainsi que l’étude comparative du matériel à l’aide d’une méthodologie folklorique proprement-dite ont permis à S. Stefanovic de constater que les chants des divers peuples — quoique certains motifs et variantes interfèrent — sont tellement différents qu’il est difficile de supposer qu’ils aient une source commune. L’existence d’un prototype est peu probable et en chercher un serait une tâche inutile. La recherche des motifs pourrait être beaucoup plus profitable, étant donné que les différentes formes nationales se ressemblent par les motifs qui interfèrent ainsi que par d’autres éléments de structure communs soit à la sphère de notre sujet soit au chant épique balkanique en général. Seuls les chants grecs et quelques variantes yougoslaves de la Bosnie se limitent aujourd’hui au thème qui implique l’archaïque croyance de la nécessité du sacrifice humain pour assurer la construction d’un édifice monumental. Tous les autres chants combinent ce thème avec le thème de l’amour maternel. Dans le folklore yougoslave, simultanément avec le sacrifice de la femme, apparaît aussi l’immolation de l’enfant, ce qui rapproche les chants yougoslaves des légendes-du centre et dé l’ouest de l’Europe. Les chants albanais, serbes et roumains qui se réalisent au niveau et avec les moyens de l’art épique héroïque — tandis que tous les autres chants ont un caractère de ballade à implications superstitieuses — occupent une place à part parmi les chants balkaniques. 1 P. SKOK, Iz balkanske komparativne literature. Rumunski paralele « zidanju Skadra », « Glasnik srpskog naucnog druitva », V, 1928, p. 222—242. 2 S. STEFANOVIC, Die Legende von Bau die Burg Skutari, « Revue des études balcaniques », I, 1934, p. 183—210. 430