116 LA QUESTION D'EXTRÊME-ORIENT tout aux rois d’Annam, ses richesses, sa tranquillité, son existence ; et les rois du Ciampa n’étaient que des mandataires royaux et des dépositaires de l’autorité suprême. Ils mésusèrent de ce dépôt, et trahirent leur mandat ; et la longanimité des rois d'Annam à leur égard fut le critérium de la sévérité et de l’inexorabilité finale avec laquelle ils durent couper court à tant de révoltes et de trahisons. A part ce fait isolé, il n’v a pas un coup de force brutale dans la politique des rois d’Annam : il s'y trouve des législateurs, mais pas un conquérant ; des Louis XI, pas un Charles VIII ; ils dépoâent leurs armes, même victorieuses, quand ils sont en possession de leurs droits anciens, et ils ne font pas appel aux guerres pour en acquérir de nouveaux. Leurs extensions territoriales marchent de front avec l’expansion ethnographique de leur race ; on peut donc dire que c’est le peuple, et non pas le roi, qui conquiert et qui s’agrandit. Lentement, par l’excédent des naissances, la race s’épanouit hors des frontières, dans les petits Etats voisins, politiquement feudataires ou ataviquement respectueux; elle emporte avec elle ses coutumes et l’obéissance à ses lois primitives ; elle occupe, pour le roi lointain, les parcelles de sol dont elle devient individuellement propriétaire. En suite d'un principe de droit fort ingénieux, et qui procède tout entier des traditions religieuses de la race, le roi d’Annam possède sur ces Annamites, installés en la terre étrangère, des droits juridiques et de possession aussi étendus et stricts, que si ces exilés n'avaient pas quitté le sol de l’empire ; et ainsi ils lui restent, à travers les générations, indissolublement attachés et soumis. Ce