56 LA QUESTION D’EXTRÊME-ORIENT guerre pour le maintien des formules cérémonielles plus volontiers que pour la défense ou l'acquisition d’un territoire, et trouvait, dans la pérennité du rituel diplomatique, un aliment qui suffisait à son orgueil. Il prétendait, à certaines dates, être officiellement reconnu pour le I’ère de tels peuples qui passaient leur temps à l’invectiver ; et pourvu que les sceaux d’or ou d’argent qui donnent la puissance royale fussent émanés de ses ambassadeurs, il lui importait moins que ces insignes scellassent des déclarations injurieuses ou des défis à son propre pouvoir. De si graves manquements n’étaient dès lors prétexte que de missions complimenteuses et de réclamations platoniques. Le pouvoir suprême, remis par le Fils du Ciel aux rois ses commettants, ressemblait quelque peu au libre arbitre attribué par Dieu aux hommes, et dont il leur est loisible, aussitôt qu’ils l'ont reçu, de se servir contre celui qui le leur a donné, sans crainte d'une répression immédiate. Il fallait établir cette conception singulière, spéciale à l'esprit asiatique, pour comprendre comment l'hégémonie chinoise dura si longtemps, et pourquoi y consentirent des nations qui n’y trouvaient aucun sujet de contentement. Nous allons voir en effet l'Annam, au cours de son histoire. acceptant et réclamant même, au besoin, l’investiture de Péking, et cependant agissant en souverain incontesté, quand elle avait été différée ou refusée, sans que la Chine semble en prendre ombrage. Nous verrons qu’aucun avantage effectif n’est exigé en échange de cette investiture. Les rois des diverses dynasties de l’Annam. que ce lien ne gêne en rien dans l’exercice de leur absolutisme, s’y réfèrent immédiatement, dès qu’une compétition sérieuse les menace, ou qu’un ennemi puissant viole leurs fron-