LA POLITIQUE DE L’ANNAM AUTONOME 117 sont ainsi des colonies, non pas d'émigrants, mais de nationaux, colonies compactes, que le roi d’Annam possède hors de chez lui avec tous les droits souverains. D’années en années, le nombre des colonies augmente, et, dans l'intérieur des colonies, les colons se multiplient. Arrive un moment où les autochtones sont débordés et disparaissent dans la masse affluente des nouveaux venus ; et, comme tous ces nouveaux venus sont propriétaires, et qu’ils ont apporté avec eux, en un seul bloc, les lois, les usages, la langue de l’ancienne patrie, il se trouve que leur souverain de jadis possède tout, sur le sol et sous le sol d’au-delà de ses frontières, tout, excepté le pouvoir nominal et officiel. Et quand, grâce à un facile hasard, le roi d’Annam acquiert ce pouvoir, il semble bien moins opérer une conquête, que rentrer en possession d’anciens sujets. Le pouvoir acquis se fait sentir d'abord avec modération, il n’est pas exercé directement ; il est délégué à une famille et à une fonction qui ne portent point d’ombrage aux aborigènes ; et les premiers actes de ce pouvoir sont de répandre la langue annamite, d'ouvrir des écoles annamites, et d'assurer partout le fonctionnement des lois de l’Annam. Au bout de quelques années d’accoutumance, l’annexion pure et simple se produit sans à-coup comme sans surprise ; le territoire ainsi acquis fait partie intégrante de l’empire, et devient une province directe, une pépinière nouvelle, d’où de nouveaux colons, recommençant le cycle ancestral, émigreront encore par un mouvement continu d’endosmose, et créeront ainsi, au-delà des frontières récentes, les mêmes droits à des conquêtes futures. La perfection de cette méthode consiste en une produc-