LA POLITIQUE DE LANNAM AUTONOME 115 le sentiment que, depuis deux siècles environ, professe la nation espagnole pour la nation française ; et, si mauvais que soit cet exemple, il me semble impossible d'en trouver un qui se rapproche davantage de la situation à définir. Quand bien même des intérêts ultérieurs l’exigeraient, il est impossible, à peu près, de se dégager entièrement de ceux de qui l’on procède ; et la politique est toujours mauvaise et de courte durée, quand elle fait violence aux sentiments profonds d’une nation. En ce qui concerne l’Annam, le respect de ce principe offrait non seulement un avantage moral, mais aussi un avantage matériel, puisque la Chine reconnaissait, le cas échéant, une protection efficace à ces nations-barrières, qui étaient, en temps ordinaire, ses protections géographiques. Aussi faut-il louer sans réserve les souverains de la dynastie d'avoir si bien compris la situation qui leur était faite, à la tète d’une race mal différente des races voisines, et d’avoir concilié si ingénieusement l’avantage de leur peuple avec la dignité de leur couronne. C’est grâce à eux que l'Annam demeura, pendant de longs siècles, vis-à-vis de la Chine, comme sont les fils émancipés, indépendants dans leurs actions et maîtres de leur fortune, qui savent, dans les moments difficiles, avoir droit à leur place au foyer paternel et à la protection de l'ancêtre commun. Si l’Annam défendit ainsi son indépendance politique contre le peuple plus fort, on peut dire, en thèse générale, qu’il n'attaqua point et n’abolit point par la force l'indépendance des peuples plus faibles. On ne peut trouver, dans l'histoire de l'Annam, qu'une seule exception, et cette exception confirme la règle : c’est celle du Ciampa. Le Ciampa était un vassal, un protégé direct, qui devait