LA POLITIQUE DE L ANNAM AUTONOME 57 tièrcs ; ils réclament alors de la Chine la protection — ou simplement parfois l'alliance — que symbolise l’investiture impériale, et il paraît que la Chine ne reste pas toujours insensible à cette réclamation qui la flatte, tout en l’oné-rant. Par contre, nous verrons les rois d’Annam partir en guerre contre ce suzerain débonnaire et confus, non pas pour secouer une dépendance si commode, mais pour les motifs, futiles ou importants, que les souverains indépendants peuvent seuls invoquer. Il apparaît donc que le Protectorat fictif, qui unit l’Annam à la Chine, est une question d'orgueil pour l’une et d’intérêt pour l’autre, que les obligations n’engagent qu’une des parties contractantes, et que le pacte devient nul de fait, lorsque l’Annam n’y trouve pas son avantage. Cette bizarrerie internationale a sa raison d’être : c'est dans un principe philosophique, révéré de toute la race jaune, que la Chine a puisé sa longanimité, et l'Annam sa liberté d'allures. Nous voulons parler du principe de la solidarité (gen). De par sa situation, à tous points de vue prépondérante, au nom de la Science et des Principes sacrés dont elle a le dépôt, la Chine se croit tenue à être la tutrice morale de tous les peuples jaunes, comme le représentant de leur communauté, et la sauvegarde de l’indépendance de la race. Grâce aux influences que les lettres chinoises exercent, par l’intermédiaire des mandarins, des philosophes et des savants élevés aux écoles taoïste et confucéenne, les nations asiatiques sontdisposées à reconnaître cette suprématie et cette fonction traditionnelle et intellectuelle. Le sentiment de la conservation ethnique réunit tous les Extrémes-Orientaux par dessus et malgré leurs frontières. Et c'est à ce sentiment latent,