LES POLITIQUES EN CHINE 169 vraiment ridicule, de prendre possession de ce Siam, qui s’offrait à nous, et qui servit, depuis lors, les intérêts anglais; constitution (comme l'on fit en Italie en 1859) d’une idée nationale siamoise, et abandon à ces rivaux nouveaux de provinces auxquelles ils n’avaient nul droit, et qu’ils n’eussent jamais osé réclamer. Avant le Protectorat, la conduite extérieure, en Asie, de la France et de l’Annam, différait donc du toutau tout, ainsi qu’il était facile de le prévoir. C’est en vertu des deux principes énoncés plus haut que la France prend parti pour l’Annam en 1787 ; plus tard, elle agit pour elle-méme, et traite la Chine en adversaire directe, bien que la fiction historique officielle n’ait pas de déclaration de guerre à enregistrer. Mais une fois l’Annam enlevé à la tutelle chinoise, et après l’établissement du Protectorat, quand il s’agit de coordonner et de fusionner les deux politiques, laquelle donc prendra le pas sur l’autre? C’est ici quela théorie diplomatique, renforcéede tout l’amour-propre national, doit s'effacer devant la réalité pratique. Au Français, peuple d’esprit conquérant, il est délicat de faire comprendre qu’il s'est battu et qu’il a été vainqueur dans le but de soutenir d’autres intérêts que les siens, et que les intérêts à adopter sont précisément ceux du peuple vaincu. Le Français préférerait ce raisonnement simpliste, que les idées du dominateur doivent, comme lui, être prédominantes, et que la métropole doit imposer sa politique, en même temps et parce qu'elle impose ses agents. C'est là une erreur bien profonde et dangereuse, propagée par l'idée que l'on se fait de soi-même, tandis qu’il faut prendre principalement garde à l'idée qu'on produit dans l’espritdes autres.