98 LE PRÉSENT ET l/A VENIR en Macédoine au contact des agents européens des « réformes », administra prudemment et prit d’utiles mesures ; mais, si sincèrement dévoués qu’ils fussent au nouveau régime, ces fonctionnaires, vieillis sous le harnois hamidien, ne pouvaient acquérir complètement la mentalité « jeune-turque » ; entre eux et le Comité Union et Progrès, l’harmonie ne fut jamais parfaite. En janvier 1910, le Comité estima que le temps était venu pour son parti de prendre directement en main le pouvoir ; il fit comprendre sa volonté à Hilmi pacha qui se retira; Hakki pacha constitua un ministère dans lequel l’élément militaire était représenté par Mahmoud-Chei'ket pacha, ministre de la Guerre, et le Comité Union et Progrès par Djavid bey et Talaat bey. Après divers remaniements, le ministère présidé par Hakki pacha est toujours en fonctions. Il était à prévoir qu’une révolution des mœurs et de la vie polique aussi radicale ne s’installerait que par la force ; on ne fonde rien sans elle, pas même la liberté, et il serait injuste de faire grief aux Jeunes-Turcs de l’avoir employée. Depuis la révolution du 24 juillet 1908 et la proclamation de la Constitution, l’Empire ottoman n’a connu que les dehors et les formes d’un régime parlementaire; il est, en réalité, régi par l’absolutisme d’un comité ; il est gouverné par une oligarchie fortement organisée en société secrète et appuyée sur l'armée. Le despotisme, au lieu d’etre exercé par un homme, appartient à un parti, mais il est toujours le despotisme, c’est-à-dire un gouvernement sans contrôle ni responsabilité. Les pendaisons de 1909 ont montré qu’il n’était ni plus clément, ni plus scrupuleux sur les formes de la justice, que le régime hamidien. Constantinople subit toujours l’état de siège, et l’on ajourne de plus en plus l’établissement d’un régime légal. Ni la presse, ni la parole ne sont libres. Le rôle du Parlement est subordonné à celui du Comité, les débats ne sont