LA RÉVOLUTION TURQUE 91 péen, les cerveaux européens sont mêlés à toute l’activité, à toute la vie turques. Les réformateurs ont l’intention de respecter tous ces intérêts ; ils Font dit, et le choix d’un ministre des Travaux publics comme Gabriel-eiîendi-Noradounghian en est la preuve ; ils annoncent qu’un conseiller français sera chargé de la réforme des finances, un anglais de celle de la marine, un allemand de celle de l’armée. Mais il suffirait de quelques mesures trop hâtives ou seulement de quelques paroles imprudentes pour alarmer l’Europe et amener des complications que peut-être certains États verraient sans déplaisir. La question du chemin de fer de Bagdad est dangereuse. La Bosnie, dit-on, demanderait à envoyer des députés au Parlement de Constantinople ou chercherait à obtenir une constitution particulière : voilà de quoi alarmer l’Autriche. La question du sandjak de Novi-Bazar, celle du chemin de fer qui le traverse, de Sarajevo à Mitrovitza, sont grosses des pires difficultés. Il y a aussi une question arabe qui intéresse l’Angleterre, une question du Liban qui nous touche ; il y a une question arménienne ; il y a le problème général de l’avenir des entreprises européennes; il y a la question des langues ; il y a les questions religieuses : on en ferait un catalogue ! Toutes ces difficultés ne sont pas insolubles, mais il faut y toucher d’une main très légère, les aborder en s’inspirant de la justice, sans espérer trouver des solutions toutes faites dans les principes d’un droit abstrait et absolu. Il faut surtout sérier les questions et attendre beaucoup du temps. Des plus justes principes, une application précipitée peut faire sortir les plus injustes conséquences. Nous avons tenu à ne rien cacher des périls dont certainement plusieurs seront épargnés à la Turquie nouvelle, mais dont, certainement aussi, plusieurs se dresseront devant elle ; nous estimons, ce faisant, avoir