DANS LA POLITIQUE DANUBIENNE ET BALKANIQUE 417 à grands frais, et le chemin de fer qui y mène, exposés, dans un pays plat, sans frontières naturelles, au raid audacieux d’un adversaire bulgare. L’armée roumaine est obligée de monter une faction pénible dans ces plaines ouvertes. La possession de Silistrie et de sa banlieue remédierait à ces inconvénients et apaiserait ces craintes; Silistrie fortifiée deviendrait la base solide de la domination roumaine sur la rive droite du Bas-Danube. Pour les mêmes raisons qui la font convoiter des Roumains, les Bulgares attachent un grand prix à sa conservation ; mais si les circonstances les plaçaient un jour en face de la nécessité de risquer un coup de partie et d’attaquer les Turcs, l’abandon de Silistrie ne serait pas un prix trop élevé pour la neutralité, peut-être même pour le concours actif de l’armée roumaine. Il est des heures décisives où il faut savoir donner peu pour gagner beaucoup. Si les Turcs devaient être un jour chassés d’Europe, ils le seraient par une entente ds l’Autriche-Hongrie et de la Bulgarie, la Roumanie ayant reçu ses « apaisements ». Ainsi, l’avenir et la sécurité de la Turquie, en Europe, dépendent, pour une forte part, de la Roumanie. La leçon de 1877-1878 est restée présente à l’es-prit du roi Garol et des hommes d’État roumains. Ils ont travaillé avec persévérance pour que leur pays ne puisse plus être exposé sans profit aux hasards d’une grande guerre; si la Roumanie prenait les armes aujourd’hui, ils veulent que ce ne puisse être que pour sa propre querelle. Quand le prince Carol, après le Congrès de Berlin, se rendit à Potsdam en août 1880, Bismarck lui parla des « difficultés énormes » qui résultaient pour la Roumanie de sa situation géographique, et lui conseilla « de ne pas prendre une attitude trop rude à l’égard de la Russie (1). » Ces conseils de pru- (1) Jehan de Witte, ouv. cit., p. 432. 27