LE MONTÉNÉGRO ET SON PRINCE 369 ténégro blesse la Russie. L’Europe n’est pas tentée de l’oublier, depuis ce jour de 1889 où Alexandre III, recevant à Pétersbourg le prince Nicolas, but « à l’unique ami de la Russie. » Les Russes regardent le Monténégro comme une avant-garde slave dans le Bal-kan occidental, comme une forteresse russe en travers de la route qui conduirait l’Autriche vers Salonique. LeMonténégro n’a pas de budget de la guerre, c’est la Russie qui pourvoit à tout : l’armée monténégrine est un corps d’armée russe sur le flanc Sud de l’Empire austro-hongrois. Pour le peuple monténégrin, la sainte Russie est la grande sœur qui a la même religion et le même idéal ; c’est avec elle qu’il espère, un jour, « bouter dehors » le Turc. Pour le prince, l’alliance est indispensable, mais peut-être la tutelle paraît-elle parfois un peu lourde. Tout en s’appuyant avec confiance sur la Russie, il a, pour le bien de son pays dont les intérêts sont devenus plus variés et les relations plus compliquées, cherché d’autres amitiés. Le Monténégro est voisin de l’Autriche par la Dalmatie et par l’Herzégovine ; les montagnards, du haut du Lovtchen, ne peuvent regarder sans envie la petite cité de Cattaro peuplée de « frères serbes » qui, en 1813, quand les Français se retirèrent, votèrent par acclamation leur réunion à la principauté, ü Antivari, ils montrent aussi avec colère les hauteurs de Spizza qu’ils avaient conquises au prix de leur sang ei* 1877 et que les Autrichiens se firent donner au Congrès de Berlin. Le peuple monténégrin ne conçoit pas d accommodement possible avec l’Autriche, telle qu’elle est aujourd’hui constituée ; mais le prince, responsable de l’avenir de son pays, ne peut manquer d’avoir une autre attitude envers un voisin très puissant. Entre le Cabinet de Vienne et le gouvernement princier, les rapports sont très bons, avec, de la part de l’Autriche, une nuance de hautaine protection dont s’irrite parfois 24