LA QUESTION ALBANAISE 319 les défiances d’Abd-ul-Hamid lui interdisaient la terre natale, il prit contact avec le pays de la liberté religieuse et du self help. De caractère énergique et d’esprit très subtil, souple par politique et tenace par nature, cultivé, disert, Mgr Docchi dénote, dans toute sa personne, l’étrange alliage de la civilisation italienne e catholique et de l’atavisme albanais Dans sa maison de Scutari, où j’ai eu l’honneur de l’entretenir, parmi les objets pieux et les beaux livres, l’ancien secrétaire du cardinal Agliardi, avec sa soutane boutonnée de rouge et son camail à rubans violets, aurait tout à fait la tournure d’un prélat romain, n’était la forte moustache bru ne qui ombrage ses lèvres. A cheval, sur lek sentiers de la montagne ou dans son village d’Orosi, botté et armé, sa physionomie se transforme : il rappelle ces évêques du moyen âge, conducteurs de peuples, chefs religieux et nationaux, inhabiles aux distinctions savantes entre le spirituel et le temporel, mais également capables, selon l’occurrence, d’argumenter dans un concile, de brandir l’épieu contre l’ours ou le sanglier, de conduire leurs ouailles à la bataille ou de les gouverner dans la paix. Le prince des Mirdites, Prink Pacha Bib-Doda, a dé|iassé la cinquantaine; il a vécu longtemps en exil et, dans la solitude de Castamouni, loin de son pays et de son peuple, il s’est formé au culte des belles lettres. Après i’amour de sa montagne et de ses Mirdites, il n a qu’une passion, que son long isolement n’ait pas émousséej celle de la France et de la civilisation française. Sa formation intellectuelle, spontanée et personnelle, rappelle par beaucoup de traits celle de nos aïeux; comme eux, il s’est nourri des belles histoires de Plu-tarque qui est resté son livre de chevet; il s’est pénétré la culture française du Grand Siècle ; il a lu tous contemporains; il goûte Flaubert et Hugo, mais ses prédilections sont pour Bossuet et Racine; nos clas-