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LA RÉVOLUTION TURQUE
rente, dans l’Empire ottoman, n’ont presque jamais pour raison d’être le « fanatisme » religieux, mais des causes économiques, sociales ou politiques; il faut ajouter, pour être juste, que souvent elles ont été provoquées par les revendications, — légitimes d’ailleurs,
—	des populations chrétiennes poursuivant leur affranchissement. C’est seulement dans le cas où la personne du Sultan cesserait d’être respectée qu’une opposition pourrait se former parmi les musulmans, surtout parmi ceux d’Asie ; elle pourrait se produire aussi au Parlement le jour où il deviendrait manifeste qu’une nationalité non ottomane prendrait une place prépondérante dans le gouvernement et où les musulmans s’estimeraient lésés dans leurs droits par l’exercice des droits des autres.
  Les chrétiens des différentes nationalités sont tout à l’ivresse des libertés conquises, liberté de la parole, liberté de la presse, liberté de réunion ; ils fraternisent, dans une joie exubérante, avec les musulmans ; imans à turbans blancs et prêtres à tiares noires s’embrassent dans les rues, discourent ensemble aux applaudissements du public : c’est la lune de miel de leur concorde ; il viendra des jours plus difficiles. Les chrétiens indigènes des diverses nationalités profitent avec reconnaissance des libertés nouvelles et des garanties constitutionnelles ; ils accepteront même sans trop de plaintes les charges, le service militaire par exemple, qui résulteront pour eux de l’égalité; mais peut-on croire que, du jour au lendemain, ils renonceront pour jamais à toutes leurs traditions, à toutes leurs aspirations nationales? N’est-il pas plus probable qu’ils seront tentés de faire triompher leurs ambitions historiques par les moyens nouveaux que la Constitution et la loi vont, mettre à leur disposition? On peut se demander si les élections et la Chambre des Députés ne vont pas devenir le champ clos où se rencontreront les diverses