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INTRODUCTION
saient l’équilibre européen sur des assises nouvelles; l’hégémonie allemande était contenue, limitée dans de justes bornes. Alors commence, entre ces nouvelles combinaisons et la puissance allemande, une lutte acharnée qui a le monde pour théâtre, et qui explique tous les incidents dramatiques qui sont survenus depuis; ces complications na prendront fin que le jour où l’Allemagne sera convaincue que le système nouveau n’est dirigé contre sa puissance que dans la mesure où elle serait tentée d’en abuser. Le Cabinet de Berlin voulut sans tarder mettre à l’épreuve la solidité des nouveaux accords, démontrer que, où que ce soit, « aucune grande décision ne peut plus être prise sans l’Allemagne et sans ¡’Empereur allemand » ; il comprit que le point où il fallait frapper était le Maroc, où l’Italie et l’Angleterre avaient reconnu à la France des droits qu’il restait à faire valoir, et où l’Allemagne se présenterait comme le champion de l’intérêt général contre la France qui, disait-on, prétendait confisquer le Maroc à son profit particulier. Le 31 mars 1905, l'Empereur débarquait à Tanger : la crise aiguë commençait. Le Maroc n’était qu’une « occasion » ; en réalité, c’était d’un conflit d’alliances, d’une lutte pour l’hégémonie, qu’il s’agissait, et, moins que la France, c’était l’Angleterre que visait la politique de la Wilhelmstrasse, ou plutôt, c’était l’entente nouvelle de l’Angleterre et de la France l.
  On sait les événements qui suivirent, et dont il est superflu de refaire ici l’histoire. L’erreur de l’Allemagne fut de croire que les procédés d’intimidation pourraient suffire à détruire une entente cordiale fondée précisément sur un commun besoin de résister à l’hégémonie allemande; la France dut louvoyer à une heure tragique où elle se trouva, avec une armée et une marine affaiblies, et une alliée vaincue en Mandchourie, en face
  1. Voyez notre article de la Hevue des Deux Mondes du 15 décembre 1905 : La Conférence d'Algésivcis.