476 UNE CONFÉDÉRATION BALKANIQUE EST-ELLE POSSIBLE? c’est Constantinople. Sa situation géographique, les détroits dont elle commande le passage, l’éclat incomparable de son renom, le rayonnement de son éternelle beauté, lui donnent parmi les grandes capitales du globe une importance sans seconde. Malgré tant de ruines, elle apparaît encore revêtue de ces symboles magnifiques qui s’imposent au respect ou à l’adoration des hommes : c’est l’Empire romain qui, du haut de la ville de Constantin, projette la majesté de son ombre jusque sur nos générations d’aujourd’hui ; c’est le patriarcat œcuménique en qui survit, à travers tant de déchéances, l’image altérée mais encore imposante du catholicisme oriental ; c’est le Khalifat dans lequel trois cents millions de musulmans révèrent la succession religieuse et politique du Prophète ; c’est Sainte-Sophie enfin, où les grands anges de mosaïque, d’un frémissement de leurs ailes d’or, semblent n’avoir qu’à secouer un mince badigeon musulman pour découvrir aux yeux le Christ dans sa gloire. La Constantinople moderne, la ville des banques, des affaires et du plaisir, la Cosmopolis où, sous l’œil des Turcs qui n’y ont guère part, des gens de proie venus de tous pays se rencontrent pour brasser des affaires et ramasser de l’or, exerce elle aussi son attrait sur les rudes et laborieux paysans de la Morée, du Pinde ou du Balkan. Tous ces prestiges du temps, de la gloire et de l’or entourent Constantinople d’une telle auréole et donnent à qui la possède un tel avantage sur tous ses voisins qu’entre eux, l’égalité, même inscrite dans les traités, paraîtra toujours illusoire. De tous côtés convergent vers la cité fascinatrice d’incoercibles convoitises ; et d’elle, en retour, émane une influence incomparable, une autorité vraiment impériale, comme au temps où le Basileus y régnait dans sa splendeur et où les rois barbares du Danube et des Balkans se sentaient fiers de lui prêter l’hommage et de se dire ses vassaux. On con-