320 LA QUESTION ALBANAISE siques sont ses amis, ses compagnons, ses dieux. Je les ai vus tous, pieusement rangés dans sa bibliothèque, sans même excepter les dît minores comme le bon abbé Deliile, habillés de belles reliures souvent maniées par des mains respectueuses. Parmi nos grands écrivains et dans notre histoire, Prink Pacha se sent chez lui. C’est surtout au xvne siècle que va son enthousiasme ; il sait par le menu les belles guerres de Turenne et de Gondé, les beaux traités de Lionne et de Torcy. A Louis XIY il pardonne tout, parce que, de son temps, la France était la première nation de l’Europe. Il s’est arrêté, dans ]a lecture de Saint-Simon, à la mort de son héros : le Régent etLouis XV lui eussent gâté le tableau. S’il admire Napoléon, il ne lui pardonne pas d’avoir laissé la France amoindrie. Sa passion pour le xvne siècle ne le rend pas exclusif et ses visiteurs peuvent parfois le surprendre, penché sur une carte, suivant avec émotion la marche de nos colonnes au Soudan, en Mauritanie, au Maroc, partout où notre drapeau est engagé, ou étudiant avec attendrissement, dans des plans et des albums de diverses époques, les transformations, les embellissements de ce Paris qu’il ne connaît pas et où il rêve de venir, non pas pour s’offrir « la tournée des grands-ducs », mais pour admirer Notre-Dame et le Louvre, faire un pèlerinage à Versailles et aux Invalides, entendre Phèdre et le Misanthrope. Cette foi dans l’avenir de notre pays, cette fidélité à la France protectrice désintéressée de sa famille et de son pays, n’est-il pas touchant de les trouver chez le prince des Mirdites, au seuil de cet Orient où la grandeur française a laissé de si nobles souvenirs et où ce qu’il en reste suffirait encore à nous assurer le premier rôle et la première place? De caractère doux, libéral et ami des lettres, Prink-Pacha est un pacifique ; il veut la justice et ne croit pas à la violence. Il exerce sur son peuple une auto-